Safari microbien — Episode 1 : Bienvenue en Microbie


Safari en Microbie — Episode 1 : Bienvenue en Microbie

 

Une fois n’est pas coutume, je vais t’emmener faire un tour dans le monde microscopique et rendre visite à un certain nombre de microbes. Je t’ai déjà dit (ici) que j’avais fait un détour professionnel par la microbiologie  et, franchement, il y a dans ce monde des choses assez fascinantes qui méritent plusieurs épisodes. Ce monde des microbes, je vais appeler ça la Microbie, histoire que ce soit un peu plus vendeur. Pour détourner une partie de la citation d’Antoine de Saint-Exupéry, « L’essentiel [y] est invisible pour les yeux », mais la Microbie représente l’écrasante majorité des êtres vivants qui peuplent actuellement notre planète. D’ailleurs, tiens-le toi pour dit, il fut un temps où elle représentait l’entièreté de la biosphère !

 

La découverte du monde microscopique — un résumé rapide

Si tu n’as jamais utilisé de microscope, alors tu es dans la même situation (mais avec bien plus de connaissances scientifiques) que les gens d’avant le XVIIIe siècle. L’infiniment petit ne t’es pas familier. Alors, je vais commencer par le commencement. Le monde microscopique est aussi divers — et même bien plus, en réalité — que le monde macroscopique (celui qu’on voit). Mais la résolution de la vision humaine, c’est-à-dire la distance perceptible minimale entre deux points, se situe aux alentours de 175 micromètres (µm), en moyenne[1]. Les objets de taille inférieure, nous ne les voyons pas. C’est là que commence le monde microscopique — la Microbie (Figure 1). Pour information, 175 µm, ça veut dire 175 millionièmes de mètres (175×10-6 m), ce qui représente à peu près l’épaisseur d’un « gros » cheveu[2]. La résolution de la vision humaine peut être meilleure dans certaines conditions, mais il est généralement impossible de voir les microorganismes, raison pour laquelle leur découverte n’a été possible qu’à l’aide des premiers microscopes[3].

Figure 1: Les échelles de tailles en jeu dans cet épisode. On distingue (à droite) une section de cheveux de 35 µm de rayon (et donc 70 µm de diamère) avec, à côté le schéma d'une cellule immunitaire humaine typique, un lymphocyte B de 10 µm, représenté à la même échelle. Toujours à la même échelle, on distingue (à gauche) deux types de bactéries.
 

Les premières observations de la Microbie, on les doit à Robert Hooke (1635-1703), un savant anglais et à Antonj van Leeuwenhoek (1632-1723). Leeuwenhoek était un drapier hollandais[4][5] et figure-toi que l’évaluation de la qualité des tissus passait par leur examen à la loupe. Dans ce but, Leeuwenhoek avait développé de petits instruments permettant de les observer à plus petite échelle encore[6]. Son microscope n’était qu’une plaque de métal percée d’un trou équipé d’une lentille biconvexe grossissante de quelques millimètres (que tu peux voir en vidéo sur YouTube). Il était équipé d’une pointe porte-échantillon dont la distance à la lentille était réglable. Rudimentaire ! Mais par rapport aux autres techniques optiques de l’époque, il avait de meilleurs résultats que l’autre microscopiste de l’époque, Robert Hooke, avec son microscope à l’architecture plus familière [4-6].

Figure 2: Description du microscope de Robert Hooke.
 

Robert Hooke avait observé beaucoup de matériaux avec son microscope[7]. En plus d’insectes et de minéraux — que personne n’avait jamais vu en détail! —, il observa une coupe d’écorce de chêne, un tissu mort, constitué de bois. Il y distingua des milliers de petites « logettes » vides séparées par de fines parois qu’il appela « cellules » (cellula, en latin), en référence aux petites pièces de vie spartiates qu’occupaient les moines dans les monastères. Ces « cellules » étaient vides, mais dans des tissus vivants de plantes, elles sont effectivement occupées par des cellules, au sens moderne du terme. C’est en raison de ce nom donné par Hooke que les unités vivantes minimales des êtres vivants, et constituant les tissus végétaux et animaux, ont été ensuite également appelées cellules. Mais attention, les «vraies» cellules n’ont été identifiées en tant qu’unités vivantes et caractérisées que bien plus tard, au XIXe siècle (200 ans plus tard). Hooke a réuni ses observations dans un ouvrage appelé Micrographia (publié en 1665), que tu peux trouver et lire sur le site de la Bibliothèque Nationale de France (BnF, Gallica, ici) (Figure 3).

Figure 3: Les "cellules" de Robert Hooke
Hooke fut, en outre, le premier à observer un microorganisme au sens qu’on entend aujourd’hui. Il s’agissait d’une espèce de champignon microscopique du genre Mucor[4], formant des structures filamenteuses surmontées de spores[8] (qui sont des structures reproductives) (que tu peux voir ici).

Le découvreur des microorganismes unicellulaires, c’est incontestablement van Leeuwenhoek [5,6]. En 1676, il publia une lettre résumant ses observations de l’eau accumulée dans des anfractuosités, de l’eau de rivières, de lacs, de mares, de marais[9]. D’autres observations suivirent au fil des années[10], et toutes faisaient mention de « petits animaux », d’ « animacules » microscopiques dont la nature était inconnue — qu’on appellerait aujourd’hui des unicellulaires (organismes constitués d’une seule cellule). Ces observations furent rapidement confirmées par Hooke, puis par de nombreux autres, à mesure que l’utilisation du microscope se démocratisait et que les techniques et les connaissances en optique s’amélioraient[11]. La Microbie était découverte.

 

Leeuwenhoek a certes découvert les premiers unicellulaires, mais personne ne se doutait qu’ils étaient constitués d’une cellule. Le concept même de cellule, tel qu’on le conçoit aujourd’hui n’existait pas[12]. Une cellule, c’était alors juste une logette vide microscopique dans le bois. Point. Pour ces observateurs de l’époque, ces choses minuscules étaient des animaux: ils bougeaient. Le fait que les tissus animaux et végétaux soient constitués de cellules n’a pas été compris avant les années 1830-1860, avec la théorie cellulaire de Schleiden et Schwann (1859)[13]. Pourquoi ? Explication en images (Figure 4).

Figure 4: Observation microscopique d'une coupe de tige de plante (à gauche) et d'un fragment de tissu de plante (à droite).
 

Quand tu regardes au microscope aux grossissements de l’époque (entre 10x et 50x), tu peux voir que pour des sections de tiges (une fine tranche de tige), tu peux distinguer des cellules, surtout sur le pourtour (Fig. 4, à gauche) de la section de tige. Là, les cellules sont bel et bien vivantes, contrairement au bois que Hook avait observé. Il paraît donc assez évident que les tissus de plantes sont en fait des assemblages de telles cellules. Mais dans la majorité des cas, tu ne vois qu’un ensemble informe, fibreux, où les cellules ne sont pas visibles (Fig. 4, à droite). C’est ce que tu verrais aussi avec des tissus animaux. De ce fait, sans images plus précises (grossissements plus importants) et sans techniques de coloration et/ou de fixation (pour figer les structures), le fait que les tissus animaux, végétaux, etc. soient constitués de cellules est resté incertain jusqu’au années 1830-1850. Jusque-là, on pensait que les tissus animaux et végétaux étaient constitués de fibres.

En fait, il est plus simple de voir des cellules animales lorsqu’elles sont isolées, seules, circulantes, et pas engagées dans la construction d’un tissu. Par exemple les cellules sanguines, ou même des cellules épithéliales de la bouche arrachées par un écouvillonnage. Je t’ai illustré ça en écouvillonnant mes propres cellules épithéliales buccales et en les plaçant sur une lame d’observation (Figure 5). Mais, le fait que tous les tissus soient constitués de cellules, ça, ce n’était pas si évident.

 

Figure 5: Cellules animales isolées. Ici, il s'agit de cellules épithéliales buccales observées sans aucune coloration, pour montrer à quel point une observation était compliquée à l'époque où les colorations n'existaient pas encore.

Aujourd’hui, on sait qu’il existe deux types d’organismes: les eucaryotes, dont les cellules possèdent un noyau — c’est le cas de tous les animaux, plantes, champignons et de beaucoup d’unicellulaires — et les procaryotes, qui n’ont pas de noyau (bactéries, archées). Cette distinction n’a été mise en évidence qu’au cours des années 1950, et acté dans les années 1960[14], grâce à l’amélioration de la microscopie, et notamment l’invention de la microscopie électronique.

Mais peu importe. Le fait est que les premiers microorganismes ont été vus à partir de 1673 par Leeuwenhoek. Et qu’a-t-il vu, au juste ? Plein de choses (voir dans[15]). Je peux t’en donner une idée en prélevant un peu d’eau dans une mare (là, c’était en juin, par ~ 30 °C) et en l’observant au microscope.


Ce qui se cache dans de l’eau

Tu as certainement déjà croisé ce genre de petite mare décorative, avec une eau calme mais tout de même régulièrement renouvelée. C’est généralement plein de plantes aquatiques, d’algues, de débris végétaux, avec toute une faune de poissons, d’insectes, etc. Mais ce que tu ne vois pas, c’est la diversité d’organismes microscopiques qui se cachent dans ce monde pourtant familier. Je vais t’emmener y faire un tour à l’échelle du micromètre.

Si tu places un échantillon d’eau prélevée dans cette mare entre lame et lamelle, et que tu regardes sous un microscope classique, tu vois ce genre de choses, que Leeuwenhoek et les gens de son époque ont dû voir aussi. 

Figure 6

D’abord, on distingue assez facilement les algues filamenteuses qui flottent un peu partout. Lorsque tu les observes au microscpe, ça donne ça (Fig. 6). Des filaments de cellules les unes à la suite des autres. Ce sont des eucaryotes (le noyau n’est pas visible ici) multicellulaires (constitués de plusieurs types de cellules) et photosynthétiques (ils peuvent utiliser l’énergie lumineuse et le CO2 pour produire de la matière organique). Les chapelets verts visibles à l’intérieur des cellules, ce sont des ensembles de chloroplastes, des organites intracellulaires spécialisés dans la photosynthèse (que les cellules animales n’ont pas). Là, c’est un organisme appelé Spirogyra.

D’autres algues, appelées Zygnema, peuplent ce milieu aquatique. Là aussi ce sont des eucaryotes photosynthétiques, parsemés de chloroplastes verts. Là (Fig. X), tu vois deux filaments qui ne sont pas au même stade de développement. En haut de l’image, le gros globule ovoïde, c’est un eucaryote unicellulaire qu’on appelle une paramécie (Paramecium). C’est une seule cellule qui peut faire jusqu’à 200 µm (et être visible à l’oeil nu!) avec des cils permettant ses déplacements. On distingue l’un de ses noyaux teinté de rouge (elle a en réalité 2 noyaux) et plein de sacs (les vacuoles) bourrées de bactéries photosynthétiques (vertes) en cours de digestion. Paramecium est un prédateur microscopique de bactéries.

Là, je te mets le film que j’ai réalisé avec mon téléphone collé à l’objectif du microscope. La qualité, c’est pas trop ça, évidemment, mais j’espère que tu me pardonneras. Tu verras néanmoins des paramécies se déplacer entre les algues Spirogyra et Zygema.

 

En plus des algues, tu trouves aussi une diatomée (un eucaryote aussi) appelée Stephanodiscus —un unicellulaire de près de 100 µm !— qui possède une carapace de silice (tu peux voir des exemples d’autres diatomées ici) ; il y a aussi des grappes de cellules eucaryotes photosynthétiques: les Scenedesmus (plusieurs espèces différentes) (Figure 7). 

Figure 7
 

Là, je te dépose encore un film que j’ai réalisé avec mon téléphone collé à l’objectif. Tu y verras la même image que dans la figure précédente, mais avec les mouvements.


Il y a aussi une multitude d’autres unicellulaires qui traînent, et je vais pas tout te lister. Mais tu peux aussi trouver des eucaryotes multicellulaires… qui sont des animaux. En l’occurrence, on croise ici un rotifère en train de se nourrir d’une algue. Ce sont des animaux très étranges qu’on a longtemps cru être asexués.

Figure 8
 

Je t’ajoute un film avec un rotifère en train de se repaître de bactéries (que tu ne vois pas) et d’unicellulaires, et qui s’attaque à un filament de Spirogyra, sûrement pour en goûter quelques morceaux.

 

Il y a aussi, dans cette eau, des tas de bactéries que tu ne peux pas voir avec ce microscope… Enfin si ! Tu peux voir Oscillatoria, un filament constitué d’un assemblage de cellules bactériennes (procaryotes) (Figure 9). Ce sont des cyanobactéries photosynthétiques dont les cellules sont d’assez grande taille, pour des bactéries.

Figure 9


Conclusion

On en a fini avec l’épisode 1, qui avait pour but de te montrer que, même dans une goutte d’eau, tu peux trouver pas mal de diversité. Et on verra un de ces jours comment toutes ces bestioles vivent les unes avec/contre les autres. J’espère que ça t’a plu. En tout cas, je te dis merci d’avoir lu jusqu’ici, et comme d’habitude, je te mets les références juste après. A bientôt !

 

 

Références

[1] Plaza-Puche, A. B., Salerno, L. C., Versaci, F., Romero, D. & Alio, J. L. Clinical evaluation of the repeatability of ocular aberrometry obtained with a new pyramid wavefront sensor. Eur. J. Ophthalmol. 29(6), 585–592 (2019).

[2] Ley, Brian (1999). Elert, Glenn (ed.) Diameter of a human hair. The Physics Factbook. Retrieved 2018-12-08 ainsi que: Smith, Graham T. (2002). Industrial metrology. Springer. pp. 253. ISBN 9781852335076.

[3] Wollman AJ, Nudd R, Hedlund EG, Leake MC. From Animaculum to single molecules: 300 years of the light microscope. Open Biol. 2015 Apr;5(4):150019. doi: 10.1098/rsob.150019.

[4] Wollman AJ, Op. Cit.

[5] Gest H. The discovery of microorganisms by Robert Hooke and Antoni Van Leeuwenhoek, fellows of the Royal Society. Notes Rec R Soc Lond. 2004 May;58(2):187-201. doi: 10.1098/rsnr.2004.0055.

[6]Baker & Leeuwenhoek, 1739, Phil. Trans. 41, 503–519, doi: 10.
1098/rstl.1739.0085,
https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstl.1739.0085.

[7] Gest H. The remarkable vision of Robert Hooke (1635-1703): first observer of the microbial world. Perspect Biol Med. 2005; 48(2):266-72. doi: 10.1353/pbm.2005.0053.

[8] Gest H. (2004), Op. Cit.

[9] Boutibonnes Philippe. Antoni van Leeuwenhoek, 1683 : une image simple, simplement une image.... In: Genesis (Manuscrits-Recherche-Invention), numéro 20, 2003. Écriture scientifique. pp. 71-80. https://www.persee.fr/doc/item_1167-5101_2003_num_20_1_1243

[10] Lane N. The unseen world: reflections on Leeuwenhoek (1677) 'Concerning little animals'. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 2015 Apr 19;370(1666):20140344. doi: 10.1098/rstb.2014.0344.

[11] Ratcliff, M. J. The Quest for the Invisible, 2009, Ashgate, ISBN-10: 0754661504

[12] Mazzarello P. A unifying concept: the history of cell theory. Nat Cell Biol. 1999 May;1(1):E13-5. doi: 10.1038/8964

[13] Mazzarello P. A, Op. Cit.

[14] Sapp J. The prokaryote-eukaryote dichotomy: meanings and mythology. Microbiol Mol Biol Rev. 2005 Jun;69(2):292-305. doi: 10.1128/MMBR.69.2.292-305.2005.

[15] Mazzarello P., Op. Cit.

Le monde de l’infiniment petit — Episode 2 : Où l’on va discuter des atomes et de leur organisation intime


Le monde de l’infiniment petit — Episode 2 : Où l’on va discuter des atomes et de leur organisation intime

 

Pour l’épisode 1, c’est par .

Les premiers modèles de l’atome, dits classiques, suggéraient qu’en raison de la charge négative que portent les électrons, et des charges positives portées par le noyau, les électrons devaient suivre un mouvement circulaire autour du noyau, selon une « orbite » décrite par les équations de l’électrostatique. C’était, en quelque sorte une analogie avec les systèmes planétaires, comme ceux que tu as pu voir dans les schémas de l'épisode 1.

Toutefois, ce modèle, conformément à l’électromagnétisme classique de Maxwell, impliquait qu’en raison de son mouvement circulaire, l’électron devait nécessairement perdre de l’énergie sous forme de rayonnement électromagnétique et, ce faisant, se rapprocher fatalement du noyau, et y tomber. Or, nous savons bien, puisque nous sommes bien là pour les observer – et parce qu’accessoirement, nous en sommes constitués – que les atomes sont stables. Il n’expliquait pas non plus  pour quelle raison les atomes ne peuvent absorber ou émettre que des quantités d’énergie discrètes, bien déterminées. Pire encore, les expériences montraient que les électrons, contrairement à des planètes, ne pouvaient pas se trouver n’importe où autour du noyau, et, surtout, ne pouvaient exister que sur des « trajectoires » elles aussi quantifiées. Le modèle classique a donc été abandonné au profit d’une nouvelle théorie, plus à même d’expliquer ces faits, le modèle quantique. Désolé, ces schémas simples avec des électrons qui orbitent autour du noyau sont faux. Toutefois, sache qu'on les utilisera quand même, parce que même erronés, ils sont bien pratiques. Il faudra simplement se rappeler qu'ils ne sont qu'une vue de l'esprit, une sorte de facilité pédagogique.

 

Petites révisions de l’épisode précédent

Un atome c’est donc un noyau composé de nucléons tels que les protons et les neutrons, et qui porte donc des charges positives. Selon le nombre de protons et de neutrons qu’on trouve là-dedans, on peut distinguer les noyaux entre eux, et donner des noms différents à ces entités : un seul proton c’est un noyau d’hydrogène, deux protons et deux neutrons, c’est un noyau d’hélium, six protons et six neutrons, c’est un noyau de carbone, etc. Mais, la matière est neutre (non chargée), tout simplement parce que d’autres particules sont en interaction avec le noyau, les électrons, qui eux possèdent chacun une charge négative. Il y a, dans un atome neutre, toujours autant d’électron autour du noyau qu’il y a de protons à l’intérieur dudit noyau. Donc, autour d’un noyau d’hydrogène (un seul proton, et donc une seule charge positive), on trouve un électron (une seule charge négative) ; c’est ça qu’on appelle un atome d’hydrogène, auquel on attribue le symbole H. Tous les machins qui se baladent dans l’univers et qui sont constitués d’un seul proton autour duquel circule un seul électron sont des atomes d’hydrogène. De même, tous les trucs qui possèdent six protons, six neutrons et autour desquels se baladent six électrons, on les appelle des atomes de carbone.

 

Orbitales et couches électroniques

Seulement voilà, là ça va se compliquer. Toutes ces particules — protons, neutrons et électrons — ne se baladent pas au hasard car elles s’influencent les unes les autres en raison de leurs charges ou des particules d’interaction qu’elles peuvent s’échanger entre elles (voir l'encart dans l'épisode 1). Ainsi les protons et les neutrons sont « collés » entre eux et forment une structure qu’on appelle le noyau. L’organisation interne du noyau est une chose complexe qu’on ne discutera pas ici (mais tu pourras trouver des informations pertinentes sur ce site ou encore si jamais ça te tracasse; d'ailleurs, sache que tu peux aussi trouver des infos vulgarisées sur les atomes par là). 

Les électrons, eux, subissent l’influence des protons, et à cause de leurs charges respectives (protons positifs et électrons négatifs), c’est la force électromagnétique qui régit leurs influences respectives et leurs mouvements. Les électrons sont donc maintenus autour du noyau tant qu’aucune force ne les en arrache. Plus il y a de protons, et plus il y a d’électrons et lorsqu’ils sont aussi nombreux, tous ces machins chargés négativement s’organisent en couches successives.

Dans le modèle quantique, le mouvement des électrons et leur position autour du noyau ne sont pas des notions aussi simples que dans le modèle classique. Tout ce qui touche au monde atomique ou subatomique est régi par les lois de la mécanique quantique. Dans ce monde de l’infiniment petit, toutes ces particules (atomes, électrons, neutrons, protons, et les autres) se comportent à la fois comme des corpuscules de matière et comme des ondes mais… ne sont aucun des deux. Cette propriété étrange et néanmoins essentielle a pour conséquence des contraintes sur l’organisation d’un atome et ses constituants, en particulier sur le comportement des électrons « piégés » autour du noyau. L’une d’entre elles est, par exemple, que les électrons ne peuvent pas se trouver n’importe où autour du noyau, mais dans des zones bien précises (discrètes), qu’on appelle des orbitales. Elles ne correspondent pas à des orbites circulaires, comme dans le modèle classique (« planétaire ») mais à des zones au sein desquelles un électron dans un état donné — c’est-à-dire avec une certaine énergie — a le plus de chances de se trouver, lorsqu’il se trouve autour du noyau. Ainsi, la position d’un électron ne peut être représentée que par un nuage de probabilité de position au sein duquel il peut exister. Ce nuage représente l’orbitale de l’électron. Il existe plusieurs types d’orbitales délimitées dans l’espace, dont la forme dépend des énergies des électrons qui leur son associées. Il en existe plusieurs types selon la géométrie qu’elles adoptent : les orbitales de type s, de type p, de type d et de type f, etc.

Comme les orbitales sont quantifiées (elles ont des positions définies dans l’espace entourant le noyau), les énergies qui correspondent à ces positions sont, elle aussi, quantifiées (elles ne peuvent prendre que certaines valeurs et jamais de valeurs « intermédiaires »).

Autre étrangeté, l’électron ne se trouve pas en un point précis de l’orbitale, mais peut exister partout en même temps dans l’orbitale en vertu du principe de superposition des états qui régit cette théorie, d’où l’existence de ce nuage dans lequel l’électron est dit délocalisé.

Chaque orbitale peut contenir un nombre fini (précis) d’électrons. Ainsi, les orbitales de type s (de l’anglais sharp) sont un nuage sphérique qui peut contenir 2 électrons, les orbitales de type p (principal) sont des lobes qui peuvent contenir 6 électrons, les orbitales de type d (diffuse) des lobes et des tores qui peuvent contenir 10 électrons, et les orbitales de type fsont des multi-lobes contenant jusqu’à 14 électrons. 



Toutes ces orbitales, on peut ensuite les classer en couches. Plus l’énergie des électrons associés est grande, et plus elles ont éloignées du noyau. La couche K (couche n°1) correspond à une orbitale notée 1s (l’orbitale de type s de la couche 1), la couche L (couche n°2) aux orbitales 2s et 2p (sharp et principal de la couche n°2, donc 2+6 = 8 électrons possibles), etc… Notons que les électrons qui se trouvent sur les orbitales les plus basses (et donc les plus proches du noyau) sont ceux qui possèdent les énergies les plus basses.

 

L’atome d’hydrogène : le cas le plus simple

Prenons l’atome d’hydrogène. Autour de son noyau (un seul proton), il y a un seul électron. Dans l’état d’énergie le plus bas possible (qu’on appelle l’état fondamental), cet électron se trouve dans une orbitale 1s (dans la couche n°1, ou K) – ce qu’on note 1s1, lire « 1 électron dans l’orbitale de type s de la couche n°1 ». Toutefois, même s’il ne possède, a priori pas d’autres orbitales, parce qu’il n’a pas d’autres électrons, il faut savoir que, dans l’atome d’hydrogène, si l’électron ne se trouve pas dans son état fondamental – s’il acquiert de l’énergie –, il peut créer et passer sur des orbitales « plus élevées », c’est-à-dire plus éloignées du noyau. Ainsi, s’il acquiert la quantité d’énergie (discrète) nécessaire pour passer sur une orbitale supérieure, il passera dans une orbitale 2s. S’il acquiert encore de l’énergie, il passera sur l’orbitale 2p, puis 3s, 3p et ainsi de suite. Ces orbitales ont toutes des formes différentes (que tu peux voir ici).

 


Les autres cas, plus compliqués

L’atome suivant du tableau de Mendeeïev, l’hélium (He), possède un noyau composé de deux neutrons et deux protons (donc, deux charges positives), autour duquel on trouve… deux électrons ! Ils se trouvent tous les deux dans la fameuse orbitale 1s (couche K) qui peut en contenir deux. Ce fait est noté 1s2 (comprendre « 2 électrons dans l’orbitale s de la couche n°1 »). Elle est donc remplie entièrement. On dit qu’elle est complète.

Pour le carbone, qui possède six électrons, deux se trouvent dans l’orbitale 1s (1s2) deux dans l’orbitale 2s (2s2) et les deux derniers dans l’orbitale 2p (2p2). L’orbitale 2p n’est donc pas « remplie », puisqu’elle peut en contenir 6.

Ainsi, plus le nombre d’électrons augmente, et plus le nombre d’orbitales augmente en « couches » successives de plus en plus éloignées du noyau. Il y a donc des atomes qui ne possèdent qu’une seule orbitale (1s dans la couche K) comme l’hydrogène (H) et l’hélium (He), qui en possèdent deux (1s et 2s) comme le lithium (Li), ou encore trois (1s, 2s et 2p) comme le carbone (C) ou l’azote (N). La progression continue pour les atomes qui possèdent davantage d’électrons : 1s, 2s, 2p, 3s, 3p, 3d, 4s, 4p, 4d, 4f, etc… Plus les électrons sont nombreux, et plus ces orbitales se remplissent.

 

La matière est constituée... de vide.

Le nuage électronique se trouve très loin du noyau. La matière, et en particulier les atomes, sont constitués à 99,99 % de … vide ! Le diamètre moyen du noyau atomique est d’à peu près d’un ordre de grandeur de d ≈ 10-15 m (un million de milliardième de mètre), et celui de l’atome (noyau + nuage électronique) de l’ordre de d ≈ 10-10 m (dix milliardièmes de mètre). Il y a donc entre les deux un facteur 105 (cent mille) de différence. Pour prendre une analogie, si le noyau avait la taille d’une orange (à peu près 10 cm de diamètre), l’atome serait cent mille fois plus vaste (10-2 x 105), c’est à dire à peu près un kilomètre de diamètre ! Si on considère non plus le diamètre, mais le volume, on se rend compte que la différence de volume entre un noyau, et le nuage électronique est en moyenne d’un facteur 1015 (soit un million de milliards) !!! La matière est donc principalement constituée du vide qui sépare les noyaux des électrons.

 

Conclusion

Voilà. Pour l'instant, on va s'arrêter là. La prochaine fois, on verra comment ces électrons, tout autour du noyau, déterminent les propriétés chimiques des atomes: pourquoi un atome d'hydrogène ne réagit pas comme un atome de carbone, lui-même différent de l'oxygène? Et puis, d'ailleurs, c'est quoi un ion ? Pourquoi certains atomes peuvent-ils être chargés ? On parle bien d'anions (négatifs) ou de cations (positifs), alors que jusque là, on disait que la matière est neutre. Et puis, d'ailleurs, comment ça se fait que les atomes peuvent absorber de la lumière, ou en émettre (fluorescence, phosphorescence) ? Mine de rien, ces petits détails nous permettront de comprendre ensuite comment les atomes peuvent s'assembler entre eux et former des structures plus grandes, les molécules.

 

SOMMAIRE

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