Le système immunitaire — Episode 4 : définir « immunité » et « asymptomatique », un passage obligé


Le système immunitaire — Episode 4 : définir « immunité » et « asymptomatique », un passage obligé

 

Dans ce billet, j’aimerais aborder avec toi, cher lecteur/chère lectrice, plusieurs notions qui prêtent à confusion. Si on ne maîtrise pas leur définition et leur périmètre d’utilisation, cela conduit à formuler des erreurs, des non-sens et des paradoxes (je t'ai déjà parlé de l'importance des définitions en biologie ici). Dans la bouche d’une personne qui chercherait à te vendre quelque chose, leur utilisation conduit bien souvent à du bullshit propice à te convaincre d’ouvrir le tiroir-caisse. Dans le domaine de l’immunologie en général, et l’immunité en particulier, c’est flagrant depuis des années, surtout depuis le début de la pandémie de Covid-19: les « boosters d’immunité » sont un bon exemple d’expression trompeuse servant à te vendre des machins qui ne servent à rien d’autre qu’à alléger ton portefeuille. Pourquoi ? On le verra au fur et à mesure.

    La « dette immunitaire » est un autre exemple de bullshit — pseudo-scientifique celui-là — qui n’émerge et ne perdure qu’à la faveur d’une utilisation erronée de notions d’immunologie que la majorité des personnes ne connaissent pas, ni ne maîtrisent, et qu’elles acceptent donc sans s’apercevoir de l’erreur ou de la manipulation[1]. De nombreux scientifiques, pourtant chevronnés en immunologie, peuvent aussi être abusés, et cela simplement à cause d’une ambiguïté dans la connaissance des définitions des termes importants.

    Et c’est ainsi, en mélangeant les termes, en faisant passer le mot immunité pour un synonyme de système immunitaire (et vice versa), en amalgamant système immunitaire adaptatif/acquis avec immunité acquise ou mémoire immunitaire acquise, en confondant les mécanismes et leurs conséquences (en renversant ou en ignorant la causalité, donc) qu’on peut faire apparaître des théories fumeuses qui ont l’air parfaitement crédibles et justifiées selon le « bon sens », qu’on peut créer des paniques morales et formuler des injonctions infondées, prescrire des solutions qui n’en sont pas.

    Aujourd’hui, on va discuter de ce que le mot « immunité » signifie, et surtout qu’il ne doit pas être utilisé comme synonyme de « système immunitaire ». ce faisant, on va aussi voir pourquoi être « asymptomatique » n’est pas une aberration intellectuelle, comme un certain philosophe toutologue très médiatique a pu l’asséner en 2020. Comme je te l’ai déjà écrit là, les définitions, c’est important. Prêt.e ?

 

Le système immunitaire est un ensemble d’acteurs tels qu’organes, cellules, molécules ainsi que de processus qui concourent à produire ce qu’on appelle une immunité — une protection contre des effets délétères produits par des agents pathogènes[2]. On entend par « agent pathogène »[3] soit des entités biologiques telles que des bactéries, virus, champignons, parasites, toxines, cellules cancéreuses, soit non-biologiques tels que des poisons ou des polluants qui produisent des effets pathogènes, c’est-à-dire qui écartent la physiologie d’un organisme de son fonctionnement moyen habituel, et produisent un état sinon délétère, du moins néfaste à plus ou moins long terme. L’état dit pathologique qui résulte de la présence d’un ou plusieurs agents pathogènes, dans le langage courant, est une maladie (une pathologie en termes plus médicaux). Là aussi, il faut faire attention. Une pathologie/maladie possède des manifestations qui peuvent être directement visibles et ressenties par le malade (symptômes cliniques), mais aussi des manifestations plus discrètes qui ne sont pas observables directement ou qui ne sont pas ressenties — ou pas en tant qu’anomalies. Dans ce cas là, il y a tout de même des manifestations, des marqueurs (des signes) caractéristiques, mais qui ne sont accessibles qu’à travers des observations microscopiques, des tests biochimiques, des analyses de biologie moléculaire. Un cancer, par exemple, peut être parfaitement asymptomatique (au sens où le malade ne ressent rien de particulier et en raison de l’absence de signes cliniques visibles) avant que les ravages qu’il provoque ne déclenchent de signes cliniques reconnaissables. Il en est de même de maladies contagieuses. Autrement dit, l’absence de symptômes visibles (signes cliniques ou ressenti du malade) ne signifie pas qu’une maladie n’existe pas. De même, les symptômes cliniques d’une maladie peuvent varier selon le malade, même si la cause (l’étiologie) est la même. Inversement, un même ensemble de symptômes identiques peut provenir d’une cause différente chez différents malades — on sait bien que de très nombreux virus très différents peuvent causer des symptômes de rhume, ou des symptômes grippaux, illustrant que des causes différentes peuvent produire des effets identiques ; notons que les allergies provoquent aussi des symptômes souvent proches, sinon identiques, aux symptômes du rhume commun.

    En 2020, lorsqu’a débuté la pandémie de Covid-19 et que les fameux « malades asymptomatiques » ont été découverts, on a assisté à une sorte d’effervescence intellectuelle de la part d’un philosophe qui s’insurgeait de ce faux paradoxe : « Molière a inventé le malade imaginaire. Voici venu le temps du malade sans le savoir, c’est à dire asymptomatique et d’autant plus dangereux, voire coupable, qu’il est malade sans l’être. Absurdité médicale. Forfait moral et politique. Crime contre l’esprit. #cevirusquirendfou ». 

 

    Voilà un bel exemple de philosophe qui a oublié, comme il se devrait, d’aller vérifier les définitions des termes qu’il utilise dans leur contexte, c’est-à-dire le contexte médical, biologique, immunologique. Car oui, on peut être atteint d’une maladie sans qu’elle ne manifeste de signes cliniques observables directement — elle est en revanche parfaitement décelable avec des tests microscopiques, biochimiques ou de biologie moléculaire. Autrement dit, même si une maladie provoque des changements physiologiques délétères, ils peuvent n’avoir aucune manifestation clinique, ou plutôt, n’avoir aucune manifestation clinique facilement détectable. Pour BHL, apparemment, l’absence de manifestations macroscopiques d’une pathologie est donc le signe d’une « maladie imaginaire », un classique de psychiatrisation très courant dans notre société. On n’est pas « malade sans l’être », comme il le prétend, mais on est malade sans que ladite maladie ait provoqué de signes observables facilement de l’extérieur.

    Si BHL avait effectué quelques menues recherches avant de s’improviser spécialiste en médecine, virologie et immunologie, il aurait remarqué qu’il était déjà parfaitement connu que les rhinovirus (causant des rhumes) peuvent être asymptomatiques chez une proportion assez importante de la population adulte[4], que c’est aussi le cas avec le virus respiratoire syncytial (RSV), responsable de la majorité des bronchiolites chez les jeunes enfants et les personnes âgées, et surtout avec les coronavirus (CoV) responsables de rhumes et de pneumonies[5] (les coronavirus déjà connus avant 2020, donc). C’était déjà le cas avec le SARS-CoV-1, responsable du SRAS, ou du MERS-CoV, eux aussi pouvant être asymptomatiques et disséminés via des « malades sans le savoir »[6]. C’est aussi le cas du virus Epstein-Barr, responsable de la mononucléose[7][8]. Depuis 2021 (donc après la diatribe de BHL), des recherches ont enfin confirmé ce qui était suspecté depuis des décennies: le virus Influenza responsable de la grippe, lui aussi, peut être asymptomatique et disséminé par des personnes infectées sans qu’elles en soient conscientes[9]. Je pourrais en citer encore beaucoup, puisque le portage asymptomatique n’est en réalité pas du tout rare, et déjà connu depuis qu’on est capable de détecter les virus en l’absence des symptômes cliniques qu’ils causent habituellement. En fait, dans tous ces cas, le virus se réplique bel et bien dans les cellules de leurs hôtes — donc il s’agit bel et bien d’une infection et pas simplement d’un portage passif —, il est contagieux et peut être transmis, mais cette infection ne produit pas de symptômes cliniques ou, parfois, des symptômes extrêmement atténués au point de passer inaperçus ou d’être pris pour un petit coup de fatigue très passager.

    Donc, vas-tu me dire, pourquoi parler de « malades asymptomatiques » s’il n’y a pas de maladie ? Certes, les symptômes cliniques habituels ne sont pas là, mais il s’agit tout de même d’une infection, qui change l’état physiologique de la personne infectée, effets alors insensibles (à bas bruit, plus discrets que les symptômes cliniques, mais tout de même présents), invisibles à l’œil nu. Or, un virus qui ne cause pas de symptômes marqués (silencieux) peut très bien avoir des effets très délétères à plus long terme. Ce n’est pas rare, simplement peu connu. Rappelons qu’un virus, s’il persiste (temporairement ou très longtemps sous forme chronique), c’est qu’il peut se répliquer. Et un virus ne peut se répliquer que s’il dispose de la machinerie pour le faire : notre machinerie cellulaire. ; Parfois, il détruit les cellules dans lesquelles il s’est répliqué, d’autre fois il les rend anormales, d’autres fois, il y perdure silencieusement ; le virus, de plus, déclenche tout de même des mécanismes immunitaires qui mobilisent énergie, ressources biologiques, inhibent d’autres processus. Bref, l’état physiologique de base, disons « normal », n’existe plus, puisqu’un virus est là, actif. Pendant qu’il détourne les enzymes, les ARN et les métabolites de nos cellules en se répliquant, il en change considérablement la physiologie, le métabolisme et les équilibres (dont l’expression des gènes, qu’il « force » en sa faveur). Ces changements ne sont pas anodins du tout, et même s’ils ne produisent aucun symptôme immédiat, ils sont tout de même là, écartant l’état physiologique des cellules de ce qu’elles produiraient en son absence. Cela peut avoir des conséquences. Et en a souvent.

    Une infection asymptomatique courte, longue ou chronique peut tout de même causer des dégâts substantiels, favoriser d’autres maladies, perturber le système immunitaire, bref, causer une perturbation de l’état physiologique normal au point de causer des effets délétères. Lorsqu’elle est longue ou chronique, l’accumulation des dégâts finit par se manifester en termes cliniques, mais lorsqu’elle est courte, les dégâts sont là aussi, simplement plus discrets, avec des symptômes qui ne sont alors que perceptibles par des méthodes médicales ou biologiques.

    L’immunité est le résultat des mécanismes du système immunitaire qui a pour conséquence d’empêcher des effets pathogènes de sorte qu’on apparaît insensible à l’agent qui les cause, comme protégé de lui. On ne manifeste pas les symptômes associés à sa présence malgré une contamination ou malgré sa présence.

    J’insiste ici pour te faire remarquer qu’apparaître insensible à (être immunisé contre) un agent pathogène n’implique pas nécessairement que les mécanismes du système immunitaire permettent son élimination. Non. On peut très bien être porteur d’un agent pathogène mais être immunisé vis-à-vis des effets délétères qu’il produit, parce que le pathogène est maîtrisé, circonscrit, limité, maintenu dans un état qui le rend inoffensif — qui empêche la manifestation des symptômes normalement associés à sa présence. Evidemment, cela peut aussi résulter de son élimination, mais les mécanismes immunitaires ne sont pas du tout aussi tranchés. Les deux types d’immunités existent, avec un continuum de possibilités entre les deux. C’est pour cette raison que le concept d’immunité désigne plus correctement le fait d’être insensible aux effets d’un agent pathogène qu’à la capacité à l’éliminer. Ceci n’empêche pas qu’à plus long terme, ledit agent pathogène puisse avoir quand même des effets négatifs, malgré une immunité.

    En d’autres termes, on est immunisé contre une maladie (un ensemble de symptômes), lorsqu’on parle dans ce contexte. On peut aussi présenter une capacité d’élimination d’un agent biologique en particulier, pathogène ou non, capacité qu’on appelle aussi une immunité. En général, on dit qu’on est immunisé contre le pathogène ou contre l’agent biologique en question. Il convient donc de distinguer une immunité (insensibilité) vis-à-vis des symptômes (une maladie) et contre sa cause (un pathogène) ou contre un agent biologique en particulier. Toutes les formulations sont correctes, mais elles doivent préciser le propos. Par exemple, il existe des cas où l’on peut être immunisé contre une maladie sans être immunisé contre la bactérie ou le virus qui la provoque, d’autres pour lesquels on peut être immunisé contre une maladie (un ensemble de symptômes) sans être totalement immunisé contre la présence du pathogène qui la provoque. Et puis, évidemment, on peut être immunisé contre une maladie parce qu’on est immunisé contre sa cause, l’agent pathogène.

    En médecine, ce qui importe, c’est d’empêcher la survenue de symptômes (d’une maladie). Dans ce contexte, être immunisé contre la maladie (la survenue des symptômes) est plus important que d’être immunisé contre la présence du pathogène qui la provoque, car dans ce cas-là, l’immunité assure que le pathogène ne provoque plus la maladie même s’il est présent. Autrement dit, dans ce cas, c’est l’immunité contre la manifestation des symptômes (et donc de l’état pathologique sous-jacent) qui compte. L’immunité est donc le résultat, l’aboutissement de l’action d’acteurs et processus, une qualité qui exempt l’individu qui la possède d’effet pathogènes et/ou de manifestations donnés et qui résulte de l’existence du système immunitaire. Le système immunitaire est la « machinerie », tandis que l’immunité est le « résultat » de son fonctionnement. On ne peut donc pas amalgamer les deux termes, ni les utiliser comme des synonymes, puisqu’ils ne désignent pas la même chose. Cette confusion existe pourtant, et elle est regrettable, car elle conduit à des interprétations douteuses et des erreurs délétères.

 



[1] David Simard, Frédéric Fischer, Lonni Besançon, Michaël Rochoy, Eric Billy, et al.. Covid-19 : non, notre système immunitaire n’a pas été affaibli par les mesures sanitaires. 2023. Disponible ici ou .

[2] Nicholson LB. (2016) The immune system. Essays Biochem.; 60(3):275-301. doi: 10.1042/EBC20160017.

[3] Méthot PO, Alizon S. (2014) What is a pathogen? Toward a process view of host-parasite interactions. Virulence; 5(8):775-85. doi: 10.4161/21505594.2014.960726.

[4] Granados A, Goodall EC, Luinstra K, Smieja M, Mahony J. (2015) Comparison of asymptomatic and symptomatic rhinovirus infections in university students: incidence, species diversity, and viral load. Diagn Microbiol Infect Dis.; 82(4):292-6. doi: 10.1016/j.diagmicrobio.2015.05.001.

[5] Birger R, Morita H, Comito D, Filip I, Galanti M, Lane B, Ligon C, Rosenbloom D, Shittu A, Ud-Dean M, Desalle R, Planet P, Shaman J. Asymptomatic Shedding of Respiratory Virus among an Ambulatory Population across Seasons. mSphere. 2018 Jul 11;3(4):e00249-18. doi: 10.1128/mSphere.00249-18.

[6] Al-Tawfiq JA, Zumla A, Memish ZA. Coronaviruses: severe acute respiratory syndrome coronavirus and Middle East respiratory syndrome coronavirus in travelers. Curr Opin Infect Dis. 2014 Oct;27(5):411-7. doi: 10.1097/QCO.0000000000000089.

[7] Silins SL, Sherritt MA, Silleri JM, Cross SM, Elliott SL, Bharadwaj M, Le TT, Morrison LE, Khanna R, Moss DJ, Suhrbier A, Misko IS. Asymptomatic primary Epstein-Barr virus infection occurs in the absence of blood T-cell repertoire perturbations despite high levels of systemic viral load. Blood. 2001 Dec 15;98(13):3739-44. doi: 10.1182/blood.v98.13.3739.

[8] Abbott RJ, Pachnio A, Pedroza-Pacheco I, Leese AM, Begum J, Long HM, Croom-Carter D, Stacey A, Moss PAH, Hislop AD, Borrow P, Rickinson AB, Bell AI. Asymptomatic Primary Infection with Epstein-Barr Virus: Observations on Young Adult Cases. J Virol. 2017 Oct 13;91(21):e00382-17. doi: 10.1128/JVI.00382-17.

[9] Bénet T, Amour S, Valette M, Saadatian-Elahi M, Aho-Glélé LS, Berthelot P, Denis MA, Grando J, Landelle C, Astruc K, Paris A, Pillet S, Lina B, Vanhems P; AFP Study Group. Incidence of Asymptomatic and Symptomatic Influenza Among Healthcare Workers: A Multicenter Prospective Cohort Study. Clin Infect Dis. 2021 May 4;72(9):e311-e318. doi: 10.1093/cid/ciaa1109.


Le système immunitaire — Episode 3 : Qu’est-ce qu’un pathogène?

Le système immunitaire — Episode 3 : Qu’est-ce qu’un pathogène?

La question peut paraître triviale. Un pathogène, me diras-tu, c’est un organisme qui rend malade. Oui. Mais c’est en réalité — comme toujours en biologie où les délimitations ne sont jamais absolues — bien plus complexe quand on veut bien dépasser les notions éculées (mais persistantes) du XIXe siècle, et embrasser les connaissances accumulées depuis plus d’un siècle. Je vais te donner quelques explications sur cette relativité de la pathogénie, puisqu’avec la thématique du système immunitaire, comme tu l’as vu dans les épisodes précédents (épisode 1 et épisode 2), la notion de pathogène est indispensable.

La notion de « pathogène » est profondément contextuelle, et on le sait depuis un moment, maintenant. Un peu d’Histoire est nécessaire pour comprendre ce fait. Pour simplifier, au XIXe siècle, deux conceptions de la “pathologie” se faisaient concurrence. Le modèle “ontologique” et le modèle “physiologique”[1]. Les deux reposaient bien sûr sur l’état des connaissances de l’époque. Il convient d'abord de définir ce qu’un “état pathologique” signifie : un état anormal et délétère de l’organisme (humain, ici).

Les historiens de la médecine décrivent comment les maladies étaient conçues soit comme des « choses » [des entités], soit en tant que « processus », et de quelle manière cela a conduit à ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de modèles « ontologique» et «physiologique» des maladies. Selon le modèle ontologique, une maladie est une entité étrangère (soit animée, soit inerte), ou « un objet logé dans le corps ». Guérir une maladie ou rétablir l’état de santé revient donc ici au final à se débarrasser de l’envahisseur. Au contraire, le modèle physiologique conceptualisait une maladie comme une perturbation ou une déviation de la norme, lui conférant un aspect temporel. Dans cette conceptualisation dynamique, la santé correspond à une harmonie ou un équilibre établi entre les qualités élémentaires du corps, lesquels peuvent être rompus. En 1850 en Europe, la conception ontologique, associée depuis longtemps aux premières théories de la contagion, était largement démodée. Elle prit cependant un nouvel essor avec le développement de la microbiologie médicale au cours du dernier quart du XIXe siècle, et connut une influence durable au XXe siècle.

Extrait de: Méthot et al 2014;5(8):775-85 (référence [1]) (traduction de mon fait)

Le modèle ontologique postulait l’existence d’entité extérieures — vivantes, comme des microorganismes ou inertes, comme des poisons — qui, une fois dans l’organisme, causaient des changements et/ou des dommages, provoquant un état pathologique. Se débarrasser desdites entités devait donc restaurer l’état de santé. La théorie des miasmes postulait par exemple depuis longtemps que la putréfaction des végétaux, carcasses, moisissures, produisait des poisons et des poussières néfastes (non-vivants, donc) polluant l’air, lesquels étaient supposés propager et causer des maladies[2].

La théorie des miasmes stipulait que les maladies étaient causées par la présence de miasmes. Les miasmes sont des émanations empoisonnées issues de carcasses en putréfaction, de végétaux pourrissants, de moisissures, et d’invisibles particules de poussière dans les habitations. Les miasmes pouvaient être identifiés par leur odeur nauséabonde. Depuis l’époque de la Grèce antique jusqu’au milieu du XIXe siècle, on pensait que les miasmes pouvaient entrer dans le corps et provoquer des maladies comme le choléra ou la malaria. Dans le monde médical, la théorie des miasmes était invoquée pour expliquer beaucoup de maladies importantes. Le nom même de la malaria a été forgé en raison de la théorie des miasmes. En Italien, « mala » signifie « mauvais» et « aria » signifie « air » [« mauvais air »] et ceci représente l’une des preuves de l’existence de la théorie des miasmes chez les anciens. Au milieu du XIXe siècle, la théorie des miasmes fut remplacée par la théorie des germes.

Extrait de Kannadan & Ajesh (2018) 16(18) (référence [2]) (traduction de mon fait).

Figure 1: Gravure de Robert Seymour 

Dans cette conception, les maladies n’étaient pas contagieuses — dans le sens où elles n’étaient pas transmises d’humain à humain — mais dues à l’environnement local impropre, saturé de miasmes issus de la putréfaction, entièrement responsables du mal. C’était faux. En 1831, par exemple, l’illustrateur et dessinateur Robert Seymour (1798-1836) représenta le choléra sous la forme de vapeurs (en haut de la gravure disponible ici et reproduite en Figure 1) propageant indistinctement la mort, incarnée par un squelette drapé de blanc, sur les deux camps ennemis d’un champ de bataille. C’est une métaphore courante qui illustre parfaitement la théorie des miasmes. La maladie (choléra) est due à des vapeurs nocives qui contaminent les individus; elle n’est pas contagieuse d’homme à homme, puisqu’elle est due uniquement aux mauvaises conditions d’hygiène et à la présence de ces vapeurs. On sait aujourd’hui que le choléra est contagieux et causé par la présence d’une bactérie qui a été baptisée Vibrio cholerae.

La théorie des germes, développée à la fin du XIXe siècle, proposait que des microorganismes vivants fussent responsables de beaucoup de maladies contagieuses. Les miasmes furent abandonnés. Elle prit son essor avec les progrès de la bactériologie et de la microbiologie en général[3]. Les microorganismes, en tant qu’entités extérieures, s’intégraient parfaitement au modèle ontologique de la pathologie.

Le modèle physiologique proposait que l’organisme sain (humain) fût le résultat d’équilibres entre les parties et processus de l’organisme, une harmonie idéale dont la perturbation causait les maladies, qui n’étaient donc jamais dues à un agent extérieur [1]. Les deux conceptions s’opposaient. Il y avait les défenseurs de l’une et de l’autre. Pas vraiment de lien entre les deux. Ni de mélange des deux. Le concept de “pathogène” est né dans ce contexte, et a largement hérité du modèle ontologique [1].

Plus que des curiosités historiques, ces modèles se reflètent, au moins partiellement, dans les concepts scientifiques actuels. La notion de « pathogène », par exemple, a longtemps été comprise dans les termes du modèle ontologique. Un pathogène était envisagé comme une entité essentiellement statique, inchangeable, une propriété absolument distincte de celle d’autres microbes, en ce qu’il était envisagé comme possédant une capacité inhérente à causer une maladie chez un hôte. Le bactériologiste Robert Koch, par exemple, promouvait une séparation entre les microorganismes « nuisibles » et les « autres types » de microbes. Au cours des premières décennies du XXe siècle, le microbiologiste américain Hans Zinsser divisait les microorganismes en « saprophytes pures » (incapables de se développer dans les tissus [animaux]), « parasites pures » (capables d’entrer et se reproduire rapidement dans un hôte sain), et « semi-parasites » (pouvoir invasif faible et dépendant du contexte). Un certain nombre de bactériologistes des années 1950 « se focalisaient [également] sur un moyen de différencier les ‘bon gars’ des ‘mauvais gars’ », se souvient le microbiologiste Stanley Falkow; un pathogène était simplement défini comme « un organisme qui cause une maladie ». Même encore aujourd’hui, « la plupart des autorités divisent les microbes en ceux qui sont pathogènes et ceux qui ne le sont pas », selon l’immunologiste et bactériologiste Arturo Casadevall. Mais que se passerait-il si un pathogène n’était pas toujours un pathogène ?

Extrait de: Méthot et al 2014;5(8):775-85 (référence [1]) (traduction de mon fait)

Les bactériologistes du XIXe et ceux d’une bonne partie du XXe siècle séparaient les microorganismes en “pathogènes” et “non-pathogènes”. Les “pathogènes” étant envisagés comme possédant des propriétés “intrinsèques” faisant d’eux des pathogènes.

Les microorganismes ont un statut ambivalent depuis longtemps en sciences de la vie. Lorsque Charles Sédillot introduit le terme « microbe » en 1878 pour nommer les microorganismes, ceux-ci sont « valorisés négativement » [...] et doivent encore être « valorisés positivement » comme objets de recherche à part entière. Tandis que le concept de « germe pathogène » émergeait progressivement de la microbiologie pendant la seconde moitié du XIXe siècle, les organismes sains furent redéfinis comme des entités dépourvues de germes, où « germe » signifiait bactéries et virus, ainsi que champignons et protozoaires microscopiques. Les premiers bactériologistes médicaux conceptualisaient la relation entre les microorganismes et la santé humaine comme antagoniste et, en lien avec l’appel aux armes de Robert Koch, dédièrent une grande partie de leurs efforts de recherche à traquer les germes dans leurs « coins et recoins les plus éloignés ». Pour faire court, « la théorie des germes à l’origine des maladies » conduisit à une représentation qui aurait pu être résumée par « humain plus germe égale maladie ».

Extrait de: Méthot et al 2014;5(8):775-85 (référence [1]) (traduction de mon fait)

 

Figure 2
Cette conception implique qu’un organisme pathogène soit toujours pathogène. C’est son essence, sa nature — il ne pourrait être autre chose. 

L’essentialisme, dans lequel les propriétés d’un objet précèdent son existence et se manifestent nécessairement en lui (c’est sa nature profonde) s’oppose au contextuel, où les circonstances peuvent déterminer certaines propriétés de l’être considéré (voir[4] et le passage présenté dans la figure 2). On les dit alors « accidentelles » (non prévues par un ordre naturel). 

 Or, en science — en particulier en biologie — l’essentialisme a souvent (voire toujours, si on en croit Karl Popper) mené à des erreurs et des impasses. Le philosophe français Jean Gayon (1949-2018) en parlait dans un essai[5] en 2012.

 

Le terme « essentialisme » a été l’objet d’un remarquable chassé-croisé entre philosophie et biologie. Originellement, il s’agit d’un néologisme introduit par Karl Popper, qui l’utilisa pour la première fois en 1945 dans La Société ouverte et ses ennemis, et le reprit ensuite de nombreuses fois dans plusieurs de ses ouvrages majeurs. Pour Popper, l’essentialisme est une conception de la science erronée, ayant son origine dans les philosophies de Platon et surtout d’Aristote. Cette conception de la science consiste à privilégier les questions du type « Qu’est-ce que ? », donc « les questions qui demandent ce qu’une chose est, quelle est son essence ou sa vraie nature »1. Elle a, selon Popper, engagé la science sur la voie de la stérilité à chaque fois qu’elle a été mobilisée, ce qui s’est produit d’innombrables fois depuis l’Antiquité. L’obsession de la définition a été pour Popper tout aussi fatale à la philosophie, qui s’est justement vue reprocher d’être un verbiage inconsistant, dans la mesure où précisément elle fait de la définition sa tâche principale. La critique de l’essentialisme est l’une des parties les plus importantes et les plus constantes de la philosophie de Popper. C’est une thèse forte mais, comme on le verra, subtile. Son succès chez les philosophes a été mitigé. En gros, l’essentialisme a intéressé, d’une part, les spécialistes de la pensée de Popper, d’autre part, une catégorie spéciale de philosophes de la biologie, après avoir été adopté par certains biologistes.

[…] Pour Popper, l’essentialisme est une conception de la science consistant à expliquer les phénomènes par des assertions sur « la nature essentielle des choses ». Pour Mayr, l’essentialisme est une conception erronée de la nature vivante, qui néglige ou méconnaît la variabilité populationnelle et l’évolution, et privilégie les « types ».

Jean Gayon (référence [5] disponible ici)

Ainsi, dans le monde essentialiste, si un pathogène est néfaste “de nature” (s’il a une “essence néfaste”), les circonstances ne doivent rien changer à ce fait. Ses propriétés ne peuvent pas être accidentelles (issues des circonstances). Ni changer. Il est pathogène. C’est “inscrit en lui”. Les biologistes ont donc cherché des “gènes de la pathogénie”. Dans ce paradigme, il devait exister des gènes permettant aux pathogènes de synthétiser des “facteurs de virulence” les différenciant de nature (donc génétiquement, ici) des organismes non-pathogènes. On touche-là à ce qu’on appelle l’essentialisme génétique[6][7] — par ailleurs prégnant quand il s’agit de génétique humaine. Les gènes (l’ADN) seraient porteurs d’un “potentiel déterminé”, contraignant d’avance toutes les propriétés intrinsèques de leur porteur.

Les personnes ont tendance à essentialiser certaines entités qu’elles rencontrent. Elles perçoivent des catégories «naturelles» comme les composés chimiques, les minéraux, et particulièrement les organismes vivants comme ayant une nature sous-jacente fondamentale et non-triviale qui fait d’eux ce qu’ils sont. Les personnes font preuve d’essentialisme psychologique lorsqu’elles perçoient une nature ou une essence élémentaire, qui est sous-jacente, profonde, inobservée, qui impose que les entités naturelles soient ce qu’elles sont en générant des caractéristiques apparentes partagées par les membres d’une catégorie particulière. Par exemple, l’essence sous-jacente d’un chat lui impose d’avoir des moustaches, un pelage doux, des griffes acérées, une tendance à ronronner lorsqu’il est satisfait. L’essence contient les caractéristiques visibles mais n’est pas définie par elles. Il peut y avoir des changements dans les caractéristiques observables des membres d’une catégorie (par ex. les chats sans poils), mais [ces caractéristiques apparentes] n’impliquent pas nécessairement de changements de l’essence de ces membres-là [par rapport aux autres].

La relation causale entre essence et caractéristiques attendues est l’un des éléments définissant l’essence. Un autre élément de définition d’une essence est sa stabilité. L’essence du chat est supposée immuable: elle ne change pas même lorsque les traits observables sont transformés à cause d’altérations physiques ou environnementales, comme d’être tondu/rasé ou modifié chirurgicalement. L’essence d’une catégorie naturelle suggère que les membres de cette catégorie sont perçus comme étant homogènes et discrets -il y a quelque chose, par exemple, qui fait que tous les chats sont reconnaissables en tant que chats, et distincts d’autres animaux.

[...] Une composante importante de l’essentialisme psychologique a été l’idée d’un «potentiel inné» (Atran, 1987; Rothbart & Taylor, 1992). Lorsque nous considérons la catégorie d’une espèce, en être membre impose certaines contraintes sur les caractéristiques des membres particuliers de cette espèce, parce que l’essence de l’appartenance à la catégorie est transmise à travers le lignage biologique.

 De: Dar-Nimrod et al (2011), 137(5):800-18 (référence [6], traduction de mon fait).

De manière peu surprenante, cette métaphore essentialiste de l’ADN est retrouvée dans les journaux et les articles dédiés à l’économie ou à la politique, où on l’utilise comme un synonyme d’ « identité », d’essence, de nature (« C’est presque notre ADN de transmettre les valeurs républicaines[8] » ; « La relation humaine est au cœur de l’ADN de Yuman[9] » ; « Former des apprentis est dans l’ADN de Bovagne Frères[10] » ; « L’interaction entre étudiants et professeurs est l’ADN de l’université[11] » ; « Le football féminin est inscrit dans l’ADN de l’US Saint-Malo[12] » ; « L’ESTAC a l’innovation dans son ADN[13] » ; « Euphrasie, la Cinacienne qui a inscrit le commerce équitable dans l’ADN de sa chocolaterie[14] »).

Il suffit de se rendre sur le site d’un journal au hasard, d’utiliser l’outil « recherche », et de taper « gènes » pour s’en convaincre. Sur le site du Point, par exemple, on apprend que « certains gènes prédisposent aux études[15] » (de « bons gènes » ?), que d’autres, si nous les possédons, nous empêchent d’être des « lève-tôt »[16] (de « mauvais gènes » si « l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt » ?), peuvent nous rendent dépressifs[17] (« mauvais gènes », donc). En fouillant un peu plus loin, on découvre que nous sommes « […] la somme de nos gènes »[18] (prédestination génétique), et que l’influence de l’éducation n’aurait pas beaucoup d’importance sur notre personnalité, puisque là encore ce sont les gènes, et non l’influence parentale, qui seraient les ingénieurs principaux de ces traits[19] (prédestination génétique encore). Ailleurs, sur le site du Figaro, on se rend compte que nous ne choisissons peut-être pas non plus entièrement notre propension à voyager, puisqu’on s’y demande : « Le désir de voyage, une histoire de gènes ? »[20]. Heureusement, le ton est un peu plus rassurant pour notre libre arbitre que dans Le Point, car ici, on nous explique tout de même étonnamment que « Non, l’ADN ne détermine pas le destin de [notre] enfant »[21]. Rassurant. Il y a peut-être encore de la place pour le contingent, l’influence des circonstances. En revanche, il apparaît qu’il existerait bien des gènes déterminant l’apparence générale de nos visages, fait biologique qui trouve une application pour la recherche de criminels à partir de leur ADN, retrouvé sur les scènes de crime[22] (une porte ouverte sur le déni de « sales gènes », comme dans Bienvenue à Gattaca ?). Enfin, nous avons tous déjà entendu qu’il existerait des « gènes » qui « déterminent » certains types de « maladies » ou, tout le moins, qui « prédisposent » à certaines « maladies » ou « fragilités ».

Figure 3
Les gènes considérés comme instructions immuables et absolues, déterminant entièrement la nature d’un être vivant — dont les microorganismes — et de tout son lignage est un essentialisme génétique ou l’ADN remplace simplement l’essence intangible [6,7]. C’est peu ou prou ce qui persiste dans le concept de “programme génétique”[23] (Figure 3), où le contenu en gènes instruit entièrement et à lui seul le devenir d’un organisme. Ceci est faux[24][25][26][27]chez les humains comme les pathogènes, comme on le sait maintenant depuis longtemps (Figure 3). On en reparlera un de ces jours. En biologie, la variation, c'est la norme, pas l'exception (ce qui, tu le noteras, est incompatible avec l'essentialisme qui envisage la variation comme une altération qui déforme l'essence immuable).

 

Des “facteurs de virulence” permettant au pathogène d’entrer, survivre, se développer dans l’organisme hôte et l’exploiter furent identifiés[28][29][30][31]. Mais, problème: ils existaient aussi chez des microorganismes pourtant non-pathogènes [1,31]. Etrange, non ?

Impasse, donc. Et c’était la même chose, à chaque fois, pour chaque nouveau facteur de virulence. Soit ils existaient chez des microorganismes non-pathogènes, soit ces facteurs ne déterminaient plus la virulence chez d’autres hôtes ou dans d’autres circonstances. Impasse bis. Bizarre ? Il y avait même des microorganismes pathogènes chez certains animaux, qui ne l’étaient pas chez d’autres, parfois pathogènes chez les humains, parfois pas chez d’autres humains, indépendamment de l’état préalable des hôtes humains ou animaux. Attention, je ne dis pas ici que les facteurs de virulence n'existent pas. Il y a bien des facteurs (protéines, gènes, toxines, etc.) qui rendent certains microorganismes "pathogènes", mais ce "pouvoir de virulence" qu'ils confèrent n'est pas non plus essentiel (intrinsèque). Il est également contextuel. Un facteur de virulence est un facteur de virulence dans un contexte... où il est un facteur de virulence. Et ne l'est pas dans un autre.

Encore pire ! On s’aperçut bien vite que les bactéries et les microorganismes[32][33][34] — y compris les virus[35][36] — peuplaient la peau, le système digestif de tous les animaux sans causer de pathologies, parfois même en étant bénéfiques. On en reparlera un de ces jours. Certains microorganismes bénéfiques de ce microbiote pouvaient devenir soudainement pathogènes ; des microorganismes non-pathogènes pour leur hôte (comme ceux des moustiques, des chauves-souris) le devenaient chez d’autres animaux…

Pourquoi ? Parce qu’un organisme n’est pas intrinsèquement pathogène. Il n’y a pas d’essence de la pathogénie [1]. Il n’y a pas de pré-écriture de leur statut. Les organismes sont pathogènes selon les circonstances, en particulier selon l’hôte qu’ils rencontrent. Il n’y a pas non plus de “programme” immuable et inaltérable, puisque les organismes d’une lignée changent à mesure que la lignée se prolonge — l’antithèse d’une essence. Les microorganismes changent, et leurs hôtes aussi, changeant la manière dont ils interagissent.

Alors oui, un microorganisme peut posséder des facteurs lui facilitant la colonisation d’un hôte, mais ils sont souvent les mêmes que ceux qui permettent des symbioses bénéfiques. Il faut AUSSI prendre en compte les caractéristiques de l’hôte[37]. Lui non plus n’a pas d’essence de “proie” ou de “faiblesse” préétablie. Ce qui compte, c’est la rencontre entre le microbe et son hôte. On parle d’interaction hôte/microorganisme [1,31]. Le résultat dépend du microorganisme et de l’hôte et des circonstances.Tu comprends donc qu’un pathogène c’est bien plus complexe que simplement “un organisme qui rend malade”. Il y a une histoire de continuum entre symbiose (au sens d’interaction mutuellement bénéfique) et parasitisme.

Jusqu’à assez récemment, et depuis la fin du XIXe siècle, la microbiologie médicale se fondait sur la supposition que certains microorganismes sont pathogènes et d’autres ne le sont pas. Cette vision binaire est aujourd’hui largement critiquée et est même devenue injustifiable. [...] le séquençage à grande échelle [des génomes microbiens] montre que l’identification des fondements de la pathogenèse [le fait pour un microorganisme de devenir pathogène] est bien pus complexe que ce qui était supposé et nous force à reconsidérer ce qu’est un pathogène. [...] En analysant et en étendant les travaux plus anciens sur le concept de pathogène, nous proposons que la pathogénie (ou la virulence) devrait être considérée comme une propriété dynamique d’une interaction entre un hôte et des microbes.

Citation du résumé de Méthot et al, 2014 (référence [1]).

J’espère t’avoir fait découvrir ce qu’on sait désormais aujourd’hui. La pathogénie d’un microorganisme ne dépend pas que de lui seul, mais aussi des circonstances et de l’hôte qu’il rencontre. Tout ceci aura une importance considérable pour comprendre le système immunitaire, la "maladie", les symptômes ou l'absence de symptômes chez des personnes infectées par un microorganisme. 

Voilà, j'espère encore une fois que tout ça t'a intéressé, et je te dis à bientôt pour de nouvelles aventures!

 

REFERENCES


[1] Méthot PO, Alizon S. What is a pathogen? Toward a process view of host-parasite interactions. Virulence. 2014;5(8):775-85. doi: 10.4161/21505594.2014.960726.

[2] Kannadan, Ajesh (2018) History of the Miasma Theory of Disease, ESSAI: Vol. 16, Article 18.
Available at:
https://dc.cod.edu/essai/vol16/iss1/1

[3] Snowden, FM. The germ theory of disease, in Epidemics and Society, Chap. 12, p. 204, Yale University Press, New Haven, 2019; doi: 10.12987/9780300249149-014.

[4] Cartwright, RL. Some remarks on essentialism, The Journal of Philosophy, 65(20), Sixty-Fifth Annual Meeting of the American Philosophical Association Eastern Division (Oct. 24, 1968), pp. 615-626.

[5] Jean GAYON, De Popper à la biologie de l’évolution : la question de l’essentialisme , Philonsorbonne [En ligne], 6 | 2012, mis en ligne le 04 février 2013, URL : http://journals.openedition.org/philonsorbonne/401; DOI : 10.4000/philonsorbonne.401.

[6] Dar-Nimrod I, et al. Genetic essentialism: The mediating role of essentialist biases on the relationship between genetic knowledge and the interpretations of genetic information. Eur J Med Genet. 2021;64(1):104119. doi: 10.1016/j.ejmg.2020.104119.

[7] Dar-Nimrod I, Heine SJ. Genetic essentialism: on the deceptive determinism of DNA. Psychol Bull. 2011 Sep;137(5):800-18. doi: 10.1037/a0021860.

[15] Camille Williams, Certains gènes prédisposent aux études, Le Point Phébé, publié le 06/04/2020 : https://www.lepoint.fr/phebe/phebe-comment-certains-genes-predisposent-aux-etudes-06-04-2020-2370200_3590.php#xtmc=genes&xtnp=3&xtcr=27.

[16] Vous ne pouvez pas vous lever le matin ? C’est la faute de la génétique ! AFP, Le Point, 29/01/2019 : https://www.lepoint.fr/sciences-nature/vous-ne-pouvez-pas-vous-lever-le-matin-c-est-la-faute-de-la-genetique-29-01-2019-2289820_1924.php#xtmc=genes&xtnp=19&xtcr=190

[18] Henrik B. Dynesen pour Quillette, Pourquoi vous êtes la somme de vos gènes, Le Point, 10/11/2018 : https://www.lepoint.fr/debats/pourquoi-vous-etes-la-somme-de-vos-genes-10-11-2018-2270299_2.php#xtmc=genes&xtnp=11&xtcr=102

[19] Brian Boutwell pour Quillette, Et si les parents n’avaient pas d’influence sur leurs enfants, Le Point, 19/05/2019 : https://www.lepoint.fr/debats/et-si-les-parents-n-avaient-pas-d-influence-sur-leurs-enfants-19-05-2019-2313556_2.php#xtmc=genes&xtnp=9&xtcr=89

[20] Marine Senclemente, Le désir de voyage, une histoire de gènes ? Le Figaro, 11/12/2020.

[21] Madeleine Meteyer, Non, l’ADN ne détermine pas le destin de votre enfant, Le Figaro, 01/10/2020 : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/non-l-adn-ne-determine-pas-le-destin-de-votre-enfant-20201001.

[22] Jean-Luc Nothias, Portrait-robot génétique : montre-moi tes gènes, je dessinerai ton visage, Le Figaro, 26/07/2019 : https://www.lefigaro.fr/sciences/portrait-robot-genetique-montre-moi-tes-genes-je-dessinerai-ton-visage-20190726

[23] Peluffo AE. The "Genetic Program": Behind the Genesis of an Influential Metaphor. Genetics. 2015 Jul;200(3):685-96. doi: 10.1534/genetics.115.178418.

[24] Heams, T. De quoi la biologie synthétique est-elle le nom ? in Les mondes darwiniens, Thomas Heams, Philippe Huneman, Guillaume Lecointre, Marc Silberstein, Editions Matériologiques, 2011, Chap. 19, p. 665.

[25] Kupiec, JJ. Une approche darwinienne de l’ontogenèse, in Les mondes darwiniens, Thomas Heams, Philippe Huneman, Guillaume Lecointre, Marc Silberstein, Editions Matériologiques, 2011, Chap. 20, p. 687-716

[26] Kupiec, JJ. The Origin Of Individuals. s.l. : Wspc, 2009. ASIN : B00KLHZYA8.

[27] Lewontin, RC. The triple helix: Gene, Organism, and Environment . s.l. : Harvard University Press, 2002. ISBN-10 : 0674006771.

[28] Levin BR, Antia R. Why we don't get sick: the within-host population dynamics of bacterial infections. Science. 2001 May 11;292(5519):1112-5. doi: 10.1126/science.1058879.

[29] Ehrlich GD, Hiller NL, Hu FZ. What makes pathogens pathogenic. Genome Biol. 2008;9(6):225. doi: 10.1186/gb-2008-9-6-225.

[30] Ribet D, Cossart P. How bacterial pathogens colonize their hosts and invade deeper tissues. Microbes Infect. 2015 Mar;17(3):173-83. doi: 10.1016/j.micinf.2015.01.004.

[31] Martínez, JL. Bacterial pathogens: from natural ecosystems to human hosts. Environ. Microbiol., 2013, 15, 325–333.

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[35] Stockdale SR, Hill C. Progress and prospects of the healthy human gut virome. Curr Opin Virol. 2021 Dec;51:164-171. doi: 10.1016/j.coviro.2021.10.001.

[36] Rascovan N, Duraisamy R, Desnues C. Metagenomics and the Human Virome in Asymptomatic Individuals. Annu Rev Microbiol. 2016 Sep 8;70:125-41. doi: 10.1146/annurev-micro-102215-095431.

[37] Kirzinger MW, Stavrinides J. Host specificity determinants as a genetic continuum. Trends Microbiol. 2012 Feb;20(2):88-93. doi: 10.1016/j.tim.2011.11.006.

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