Intention du blog — De quoi va-t-on parler ? Comment ? Et qui suis-je ?


S

alut à toi, et bienvenue en ces lieux ! Je sais, je tutoie le lecteur. Un choix qui peut paraître choquant pour les puristes mais qui, soyons clair, n’a aucune signification cachée d’irrespect ou d’infantilisation. Dis-toi, cher lecteur/chère lectrice, qu’il s’agit du même effet de style que dans les péplums des années soixante, dans lesquels les personnages s’adressaient à leurs supérieurs, à un consul, une noble ou même César en utilisant le tutoiement — et cela avec le plus grand respect.

     En latin classique, le tutoiement était utilisé dans toutes les situations. D’ailleurs, celleux qui ont eu des cours de latin se souviendront qu’il n’y avait pas de forme de conjugaison dite « de politesse ». Le vouvoiement en tant que forme de politesse n’est apparu que plus tard, entre le IIe et le IVe siècle de notre ère[1], bien après l’époque la plus représentée au cinéma. En français, le tutoiement est donc une sorte de marque langagière de l’époque romaine facile à retranscrire à l’écran. Personne ne s’est jamais dit que ces centurions, tribuns ou autres personnages romains étaient irrespectueux envers leurs supérieurs ou dirigeants. Cette habitude orale représentative est d’ailleurs attestée dans la littérature, d’où elle a simplement été reprise. On peut y lire « Ave, Caesar, morituri te salutant » (le fameux: « Avé César, ceux qui vont mourir te saluent ») lorsque les Gladiateurs s’adressent audit personnage avant un combat dans l’arène. C’est donc ainsi que tu peux prendre mon tutoiement, si jamais cette habitude te semble irrespectueuse — comme une marque littéraire séculaire de respect.

     Ces propos liminaires sur le choix de la conjugaison de mes propos étant passés, laisse-moi me présenter: Je suis Duxpacis. Anonyme en ces lieux pour des questions de protection de la vie privée. Car si j’enfile le costume de Duxpacis la nuit une fois mes obligations diurnes honorées, le jour, je suis biologiste. Je suis plus précisément biochimiste et biologiste moléculaire de formation initiale: c’est dans ce domaine que j’ai effectué ma thèse, ici, en France, pendant quatre ans. Pour te donner une idée, je travaillais alors sur l’une des étapes de l’expression des gènes: la traduction — ribosomes, ARN messager, ARN de transfert, synthèse de protéines, tout ce genre de choses, c’était ma spécialité. Je suis donc docteur ès Sciences, spécialisé en biochimie et biologie moléculaire. On appelle aussi ça un Ph.D.

     Après ma thèse, je suis parti en post-doctorat pendant quatre ans, où j’ai voulu changer de thématique de recherche pour élargir mes horizons, mes compétences, et surtout pour ouvrir le champ des possibles. Un post-doctorat, c’est un poste de chercheur en CDD, généralement de deux à quatre ans, dont, en général, tu as trouvé la source de financement toi-même. Il n’y a pas de Pôle Emploi des nouveaux docteurs pour farfouiller dans les propositions de postes précaires de ce type. Tu dois le chercher toi-même, démarcher les labos, les chercheurs en chef, et espérer qu’ils auront de l’argent pour te recruter sans quoi tu devras postuler à tout un tas de programmes de financement sur dossier pour être payé pendant une durée déterminée. Si tu passes la sélection. J’ai obtenu l’une de ces bourses et j’ai intégré un laboratoire de microbiologie dans un institut assez connu et travaillé à l’interface de la biologie moléculaire, de la biochimie et de la microbiologie. J’ai donc acquis les deux casquettes : biologiste moléculaire/biochimiste et microbiologiste. J’ai travaillé aux échelles les plus minuscules possibles de la biologie (l’échelle des molécules, celle des protéines, de l’ADN, des gènes et toutes ces choses-là) et je suis passé à celle des cellules ensuite, ces deux aspects formant maintenant ma spécialisation hybride. J’ai d’ailleurs travaillé sur des bactéries pathogènes, qu’on ne peut cultiver et étudier que dans des laboratoires sécurisés adaptés à cette tâche. Après ces quatre ans, j’ai passé un tas de concours (celui du CNRS, pour devenir chargé de recherche, celui de Maître de conférences, pour devenir enseignant-chercheur) et fini par avoir l’embarras du choix. J’ai choisi d’être Maître de Conférences (MCF): c’est simplement un nom pompeux pour dire que je suis toujours chercheur mais aussi enseignant à l’université. En fait, je suis censé partagé ça à 50/50. Je n’ai pas changé de spécialité, je suis toujours Ph.D en biochimie et biologie moléculaire avec une spécialisation en microbiologie, mais j’ai un peu changé de thématiques de recherche. Aujourd’hui, c’est plus en rapport avec certains mécanismes de protection des bactéries pathogènes contre les antibiotiques qu’on utilise pour les combattre, et qui sont aussi — malheureusement — des processus qui leur permettent d’échapper au système immunitaire. Il y a toujours des histoires d’ARN, de pathogènes, mais désormais aussi de résistance aux antibiotiques.

Voilà pour qui je suis.

Maintenant: quelle est l’intention de ce blog ? C’est simple, déjà, de partager des connaissances sur le monde fascinant de la biologie, qui reste malheureusement très peu accessible. La biologie moderne est un sujet assez complexe, et, comme il s’agit d’une science très récente (la biologie telle qu’on la connaît n’est née qu’à la fin du XIXe siècle[2]), les connaissances qu’elle a accumulées et les concepts qu’elle a découverts n’ont pas encore été intégrés à la culture populaire de manière pérenne. Tout le monde a déjà entendu parler de génomes, d’ADN, de gènes, de mutations, de bactéries, de microorganismes, d’infections ou d’antibiotiques. Contrairement à d’autres sciences pour lesquelles les concepts et théories sont souvent relativement connus (comme le mouvement des planètes, l’existence de particules élémentaires, les propriétés de l’électricité, etc.), la biologie reste encore entourée d’une aura mystérieuse et nébuleuse. Cela tient pour beaucoup au foisonnement des termes techniques assez compliqués qu’elle utilise, mais aussi au fait que les concepts de la biologie reposent sur des acquis scientifiques provenant d’autres disciplines telles que la chimie, la physique, ou ce que l’on appelait les sciences naturelles (zoologie, anatomie, etc.), et auxquels tout le monde n’a pas accès. De plus, une grande confusion vient de ce que nous sommes exposés à beaucoup d’influences culturelles, notamment le cinéma, qui abordent et utilisent les concepts de la biologie (particulièrement ceux de la génétique: ADN, gènes, mutations, etc.) bien souvent de manière très simplifiée, incomplète, voire carrément erronée. Je te propose donc de découvrir avec moi, dans ce blog, quelques bases de la biologie. Aussi bien d’un point de vue historique (oui, c’est important de savoir d’où viennent les connaissances et comment elles ont été acquises) que, parfois, descriptif —ce que l’on sait aujourd’hui. J’espère, de cette manière, que je te permettrai de mieux comprendre tout un tas de choses et peut être que cela remettra peut-être en perspective certaines choses que tu pensais acquises, absolues mais qui ne le sont pas tant que cela.

Tu auras remarqué que j’ai ajouté deux références, déjà, pour appuyer quelques uns de mes propos —sur l’utilisation du tutoiement, et pour le côté récent de la biologie. C’est un contrat qu’il me faut passer avec toi: je te donnerai toutes les sources, articles scientifiques, études et autres ouvrages que j’utilise. Tu verras que parfois, j’en mets vraiment beaucoup. C’est ce que nous faisons en science, nous indiquons toujours d’où nous tirons nos affirmations, d’où elles proviennent. Toutes les affirmations-clés, doivent être justifiées par l’indication explicite de leur provenance, si elles sont issues d’autres travaux.

Voilà. Pour ce qui est des thématiques, cela dépendra ! Suspens ! Le but est de te faire comprendre la biologie — et t’aider à ne pas te faire manipuler par le premier charlatan ou conspirationniste venu — et de te donner l’impression d’apprendre quelque chose de manière sympathique. J’espère réussir dans cette mission.

On se retrouve bientôt pour les articles de blog.

Dux

 

Références


[1] Philippe Wolff, Premières recherches sur l'apparition du vouvoiement en latin médiéval, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 130(2),‎ , p. 370-383

[2] Michel Morange, Une histoire de la biologie, Eds Points, 2017, ISBN-10 ‏ : ‎ 2757870025

 

 

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