Qui a découvert l’ADN et l’ARN ? Episode 4 —La double hélice !
Allez, c’est parti ! Tu vas enfin découvrir cette histoire de double-hélice.
Petit résumé des étapes précédentes.
Je te rappelle qu'ADN, ça veut dire acide désoxyribonucléique. Je t’ai déjà expliqué pourquoi. « Acide » parce qu’il a des propriétés acides et « désoxy » parce qu’il contient un sucre, le désoxyribose. L’ADN est constitué de quatre briques seulement, qu’on appelle des désoxyribonucléotides. Tu trouveras l'épisode précédent ici. Pour partir du bon pied sur cet épisode, d'ailleurs, je peux te redonner la liste des épisodes: l'épisode 1 c'est par ici, l'épisode 2 par là et l'épisode 3, c'est là-dedans.
Un type appelé Phoebus Levene avait déterminé entre 1909 et 1940 la structure de ces quatre briques (A, T, G et C) et la manière dont elles sont enchaînées entre elles pour former des polymères (assemblages) [1]. Ces briques sont reliées entre elles pour former des chaînes. Analogie: si les désoxyribonucléotides sont des perles, alors un brin d’ADN est un collier de perles dont la « séquence » est la suite de ces perles: par ex. ATGCCCGTTAA est un (petit) brin d’ADN.
Une histoire de proportions étranges
Levene pensait qu’il y avait, dans ces chaînes, des proportions égales de A, T, G et C, et donc que les acides nucléiques (y compris l’ARN) étaient des « molécules ennuyeuses » sans réel intérêt [1]. Personne ne se doutait que les gènes étaient constitués d’ADN [2-5]. Mais dans les années 1950, un autre biochimiste (autrichien) appelé Erwin Chargaff s’est aperçu que l’égalité des proportions de A, T, G et C mise en avant par Levene était fausse, mais qu’il y avait toujours autant de A que de T d’une part, et de G et de C d’autre part [5].
C’est ce qu’on a appelé les « règles de Chargaff »… que personne ne parvenait à expliquer. J’insiste, mais on pensait que l’ADN c’était une seule chaîne de désoxyribonucléotides. Personne n’avait jamais vu une double hélice, ni ne se doutait de son existence [2-5]. Et puis, dans les années 1950, un groupe de personnes s’est intéressé à l’ADN pour en déterminer la structure 3D [5]: Maurice Wilkins et Rosalind Franklin. La technique utilisée pour « voir » la structure d’une molécule, c’était la diffraction aux rayons X [6, 7]. C’est compliqué, mais je vais te résumer simplement.
[INFO] Tu peux aller voir cette super vidéo de Science Etonnante (@dlouapre) qui parle un peu de cristallographie dans le cas des protéines, mais le principe est le même pour toutes les molécules. https://www.youtube.com/watch?v=OGewxRMME8o
"Voir" une molécule par cristallisation et diffraction des rayons X.
Et la double-hélice émergea des données
Le problème, c’était de réussir à interpréter ce qu’ils voyaient. Y avait clairement une symétrie en hélice là-dessous à cause de la manière dont les rayons X étaient diffractés. Pauling a proposé une histoire de triple hélice avec des brins d’ADN agencés étrangement [5]. C’était faux. Ce sont Francis Crick (qui travaillait sur l’interprétation des données de diffraction aux rayons X sur des structures à symétrie hélicoïdale, justement) et James Watson qui sont finalement parvenus à comprendre de quoi il retournait avant les autres [5, 8, 9]. Et ils ont obtenu ça:
Je te fais un résumé. Et en images, s'il te plaît!
Les autres combinaisons ne conduisent pas à des interactions stables. Tu ne vois donc que des paires A—T et G—C dans l’ADN. On appelle ça des paires de bases. Il se trouve aussi que l'espace (le volume) occupé par une paire d'interaction A-T et une paire d'interaction G-C est quasiment le même (ce qui ne serait pas le cas pour d'autres paires, comme G-G, C-C, A-A, T-T, G-T, etc.), ce qui a pour conséquence que la double-hélice d'ADN est une structure très régulière. Et tu vois que les bases se font face et que ces paires forment des « marches » d’escalier perpendiculaires à l’axe de la double hélice. Mais attention, ces interactions par "liaisons hydrogène" sont des liaisons dites faibles, beaucoup moins stables que celles entre deux atomes dans une molécule. Les deux brins peuvent donc être séparés — en chauffant, par exemple, ou par l’ARN polymérase lors de la transcription.
Tu remarqueras que connaître la séquence d’un brin d’ADN te donne automatiquement la séquence du second — puisque c'est toujours la séquence complémentaire. Et que, du coup, t’as pas besoin d’avoir les deux.
Ah oui! Petite précision... Quand on séquence l'ADN, on te donne une séquence finale avec les lettres A, T, G, C (comme je l’ai dit un peu plus haut). Comme par exemple: ATGGCGTAATGTAATTTAAGC. C'est toujours la séquence d'un seul des deux brins. La séquence du second se déduit aisément du premier et est donc inutile. Donc dans les films et séries, quand ils regardent des double-hélices qui tournent sur l’écran… bah ça sert à rien, et c'est compliqué pour rien. Purement visuel.
Pour finir, on
peutreprésenter l’ADN avec différentes vues simplifiées, plus
pratiques pour visualiser simplement les choses. Au lieu de représenter tous les atomes, on peut choisir de ne visualiser que la direction des phosphates sous la forme de rubans et les sucres et bases azotées par des formes géométriques.
J’espère que ça t’a été utile et je te dis à bientôt pour parler génome, chromatine, chromosomes et code génétique et te montrer à quel point ces mots sont mal utilisés dans les médias et films. Avec moi, tu vas gigoter sur le siège au cinoche à chaque dialogue scientifique
[1] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6378961/
[2] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24456972/
[3] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28006030/
[4] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17139326/
[5] Cobb, M. (2015) Life’s greatest secret — the race to crack the genetic code, Basic Books, Perseus Books Group, New York 464 pages.
[6] https://www.sfpnet.fr/une-decouverte-qui-a-change-le-monde-la-diffraction-des-rayons-x
[7] Pour la cristallographie, tu peux aussi aller voir cette video de Science Etonnante qui est vraiment bien faite : https://www.youtube.com/watch?v=OGewxRMME8o
[8] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28922352/