Le monde de l’infiniment petit — Episode 1 : Où l’on va discuter de la matière

 


Le monde de l’infiniment petit — Episode 1 : Où l’on va discuter de la matière

 

L’univers autour de nous est rempli d’objets de toutes sortes, et ils sont tous composés de matière. Scientifiquement, la matière désigne tout corps qui possède une « réalité tangible », c’est-à-dire dont les propriétés, les états, les transformations sont accessibles à l’observation et à la mesure. Dans la nature, la matière peut exister sous plusieurs états, c’est-à-dire plusieurs degrés de cohérence : l’état solide (le plus ordonné), l’état liquide, l’état gazeux, l’état plasma. Il en existe encore quelques autres, plus exotiques.

Les rochers, les pierres, l’océan (l’eau), l’air que nous respirons, le Soleil, les nébuleuses lointaines, les galaxies, tous ces objets sont constitués de matière. Elle apparaît comme extrêmement diverse et, déjà dans l’Antiquité, les philosophes grecs s’interrogeaient sur sa nature, sur ses constituants, sur sa composition. Intuitivement, on pourrait croire qu’il y a une infinité de constituants fondamentaux de la matière qui expliquent l’infinité d’objets matériels que nous voyons.

 

Démocrite le rieur et les atomes philosophiques

Prends une pierre dans ta main. Elle possède une masse, et est tangible, et donc, tu la considères comme réelle. De quoi est-elle constituée ? La réponse la plus évidente serait de dire qu’elle est composée, tout simplement, de pierre. Mais cette pierre, de quoi est-elle faite ? Pour répondre à cette question, coupe la pierre en deux. Aussitôt, tu obtiens deux morceaux de pierre, et chacun de ces morceaux représente une moitié de pierre. Si tu répètes la même opération sur une moitié de pierre, tu vas aussi obtenir deux morceaux, dont chacun sera un quart de la pierre de départ. Continue encore, et tu obtiendras des morceaux qui représenteront 1/8e, 1/16e, 1/32e, 1/64e et, au bout de la dixième répétition, 1/1024e de pierre. En continuant encore et encore, à la 20e coupure, tu auras 1/1 048 576e de pierre. Les morceaux deviennent ridiculement petits, mais imaginons que tu puisses encore continuer, encore et encore, tout en étant encore capable de « voir » s’il reste de la « pierre ». Peux-tu continuer indéfiniment ? Y a-t-il un moment ou les coupures ne seront plus possibles ? Dans le premier cas, la matière serait divisible à l’infini, de manière continue, et c’est la raison pour laquelle on parle de matière continue. Dans le second cas, s’il existe un moment à partir duquel tu ne peux plus continuer à découper « la pierre », et que tu tombes sur une entité insécable, un constituant fondamental, élémentaire, alors cela signifierait que la matière est discontinue — ou, dit en termes mathématiques, discrète. Là, tu aurais quelque chose qu’on pourrait appeler un corpuscule. C’est ce que les Grecs appelaient un atome (de atomos, « insécable »). Ce débat philosophique sous la forme d’une expérience de pensée a duré des siècles.

L’histoire est connue. Les atomes, c’est une idée qu’on peut faire remonter à la Grèce Antique, et en particulier à Démocrite d’Abdère (460 à 370 av. J.-C), celui qui fut à l’origine de cette expérience de pensée. Ses écrits ne sont pas parvenus jusqu’à nous, si ce n’est sous la forme de fragments, et c’est surtout à d’autres auteurs qu’on doit la mémoire de ses textes, souvent confondus avec ceux de son maître, Leucippe (Ve siècle av. J.-C), premier fondateur de l’atomisme[1]. Démocrite était un solitaire dont la production littéraire fut absolument considérable, si l’on en croit Diogène Laërte[2] (IIIe siècle av. J.-C). Bien que Leucippe ait eu des idées atomistes avant lui, Démocrite donna une complexité et une portée bien plus vastes à cette théorie philosophique que ne le fit son maître.

Diogène Laërte écrivit que Démocrite disposait d’un savoir encyclopédique, acquis — en plus de ses voyages — de ses études incessantes dans une cabane (une « cellule ») qu’il s’était construite dans son jardin à cet effet[3]. Mathématiques, physique, médecine, botanique, zoologie, éthique, etc, il possédait de vastes connaissances et aurait rédigé un grand nombre d’ouvrages et de traités sur ces thématiques mais aussi sur l’agriculture, la chose militaire, etc. C’est pour cette raison que les habitants d’Abdère le surnommaient Sophia (le philosophe)[4].

Voilà pour le personnage — ou en tout cas l’image qu’on en avait à son époque. Mais qu’en est-il de cette théorie atomiste qu’il avait apprise de son maître Leucippe, et développée de ses propres réflexions ?

Les réflexions sur la matière allaient bon train chez les philosophes grecs durant l’Antiquité. La question de la nature de la matière, inaccessible expérimentalement à cette époque, était débattue du point de vue de la philosophie. Au Ve siècle av. J.C., Empédocle (490-430 av. J.-C.) fut le premier dont on ait connaissance à considérer que toute matière est constituée de combinaisons d’éléments fondamentaux, l’eau, l’air, le feu et la terre[5]. Par « éléments fondamentaux », Empédocle signifiait que rien de plus simple que ces corps-là n’existait et que tous les autres, toutes les substances, étaient issues de mélanges de ces éléments fondamentaux, dont les mélanges en proportions variées donnaient à tout corps matériel des caractéristiques qui lui étaient propres. Ces quatre éléments constituaient les essences de base de la matière et « [pouvaient] se transformer l’un dans l’autre, sous leurs actions réciproques »[6]. Diogène de Laërte précise qu’Empédocle « admettait l'existence de quatre éléments : feu, eau, terre et air, auxquels il ajoutait l'amitié qui réunit et la discorde qui divise »[7], autrement dit, que l’union des éléments dépendait d’ « interactions » favorables (amitié) ou répulsives (discorde), qu’on définirait plutôt aujourd’hui comme « affinité » et « répulsion ». D’autres philosophes avaient imaginé des systèmes ne faisant intervenir qu’un, deux ou trois éléments, comme le signale Aristote (384-322 av. J.-C.) dans De la génération et de la corruption, dans laquelle il proposait sa propre version de la théorie des quatre éléments[8]. En fait, chez les Grecs, il y avait cette idée que le fonds de la réalité était simple et que de cette simplicité et de ses combinaisons, émergeait la complexité et la diversité.

Comme l’écrivent J. Lecomte et M. H.  Marganne[9], la théorie des quatre éléments visait chez les grecs à expliquer l’univers dans son entièreté, c’est-à-dire qu’elle avait pour but de « concilier l’unité du macrocosme, l’univers, et le microcosme, l’homme », de comprendre la Nature à toutes les échelles à partir d’un petit nombre de principes et de constituants de base[10]. Ici, la Nature est à comprendre comme « commencement et fondement de la réalité du monde et des objets qu’il renferme », donc comme le monde matériel tout entier. Aristote ajouta aux éléments quatre qualités opposées[11][12] (humide/sec, froid/chaud, etc.) censées rendre compte des changements possibles entre les éléments lors de leurs associations[13]. Aristote ajouta aussi un cinquième élément, l’Ether (ou la quintessence, la « cinquième essence »), seul constituant des corps célestes, un élément ne subissant ni corruption, ni altération, et qui ne pouvait naître à partir des quatre autres[14] et se déplaçait uniquement par mouvement circulaire.

 

L’idée de l’entité insécable

Mais les atomes étaient des idées. Par l’argumentation, par des arguments logiques, on proposait que la matière fût en principe constituée de corpuscules fondamentaux insécables. C’était l’idée de Démocrite. Mais elle fut rejetée pendant plus de deux mille ans. Je ne vais pas ici te raconter l’histoire de l’idée de l’atome ou la manière dont on l’a découvert, ce serait beaucoup trop long, et pas du tout le propos. Je veux juste te faire comprendre que l’idée d’une matière possédant des constituants fondamentaux insécables a vu le jour bien avant que des preuves de cette réalité n’existent. Je veux aussi insister sur le fait que, dans le principe, les atomes des philosophes grecs étaient insécables, les parties ultimes de la matière. Ce que nous appelons atomes aujourd’hui ne correspond pas du tout à cette définition, puisqu’ils sont, en réalité, eux aussi constitués de parties plus petites. En fait, on pensait les atomes fondamentaux (non composés d’autre chose) parce que les opérations chimiques qu’on peut leur faire subir ne permettaient pas de les résoudre en entités plus petites.

Permets-moi de reproduire ici un passage d’un billet antérieur (que tu peux trouver ici) :

 

    Un élément (un atome) restait une entité que l’on ne pouvait pas décomposer par l’analyse. Mais avec la physique moderne, il devint possible de « casser » les atomes, et on se rendit compte qu’il s’agissait d’entités composites. Mais il existe bien des entités plus petites qui, pour l’instant, semblent fondamentales, c’est-à-dire qui semblent bel et bien insécables. On les appelle les particules élémentaires.

 

L’idée de particule élémentaire

Tu noteras, cher lecteur, que le vocabulaire compte beaucoup. Ce qu’on appelle particule, ici, est une entité physique à la taille extrêmement réduite — si la taille de ces objets aux propriétés ondulatoires/quantiques a encore un sens. Elles sont, quoi qu’il en soit, plus petites que des atomes, et souvent désignées par le terme qualificatif « subatomiques » (sous la taille de l’atome). Lorsqu’un physicien parle de particules, il se réfère en général à ces entités-là. Mais dans d’autres disciplines, « particule » peut désigner simplement « quelque chose de petit » par rapport aux autres objets étudiés. Lorsqu’un biologiste parle de « particules alimentaires », il se réfère à des fragments ou des débris qu’un animal peut consommer, et qui sont beaucoup plus petits que lui ; mais dans ce cas, « particule » ne désigne pas du tout des entités subatomiques. Il en est de même lorsqu’un astrophysicien ou un météorologue parlent de particules de poussière, qui désignent des amalgames de matière beaucoup, beaucoup plus gros que des particules fondamentales mais nettement plus petits que des planètes, des météorites ou des micrométéorites.

En d’autres termes, le mot « particule » possède beaucoup de sens différents dans le langage commun. Dans le champ scientifique, la thématique d’un article scientifique et les échelles d’étude permettent de lever le doute sans aucun problème, mais un non-spécialiste qui découvrirait un texte professionnel serait en droit de se demander de quel genre de « particules » on parle. Tu vas me dire que c’est assez évident en lisant un texte scientifique, mais sache que ce genre d’ambiguïtés fait souvent le lit des charlatans et des pseudosciences qui les utilisent sans vergogne pour donner à un discours sans aucun fondement une apparence professionnelle. C’est souvent le cas avec le jargon de la physique quantique, d’ailleurs.

Si je m’attarde sur ce point de vocabulaire, c’est parce que pendant très longtemps, la chimie utilisait les mots atomes, molécule, particule, comme des synonymes pour désigner de « petites entités », de « petites parties » d’un corps, des corpuscules. Lorsqu’on lit des textes du XIXe siècle, et plus encore du XVIIIe siècle (comme ceux de Lavoisier), les auteurs parlent tour à tour molécules, atomes, particules, etc, comme des synonymes. Le vocabulaire n’était pas encore fixé par convention. De nos jours, « molécule » désigne un assemblage d’atomes, mais ce n’était pas le cas du temps de Lavoisier ou de ses successeurs, jusqu’au début du XXe siècle. A cette époque, on parlait également d’éléments, qu’on a tendance aujourd’hui à traduire par « atome », mais qui, dans la pensée des chimistes de cette époque avait un sens très différent du concept moderne d’atome. Je crois intéressant de voir ce que ces explorateurs du monde de l’infiniment petit entendaient par « élément », et tu verras que c’est subtilement différent de la notion d’atome insécable tel que l’envisageaient les atomistes grecs tels que Démocrite, ou nous, aujourd’hui.

 

La matière vue depuis notre époque, après moult découvertes


La matière ordinaire est dite « baryonique » (tu verras juste après pourquoi) et elle représente à peine 4,9 % de la matière de l’Univers, le reste étant composé de matière noire (26,8 %) et d’énergie noire (68,3 %) qui ne sont pas directement observables, mais dont on peut mesurer les effets. La matière noire et l’énergie noire n’ont pas encore été formellement caractérisées à l’heure actuelle, et on ne sait pas avec certitudes si l'une et/ou l'autre sont réelles, ou si elles correspondent à d'autres phénomènes encore mal compris.

 

De quoi est composée la matière ordinaire ?

La matière est apparue après le Big Bang, c’est-à-dire l’évènement survenu il y a 13,7 milliards d’années et qui a déclenché l’expansion de l’univers. A mesure que l’univers se dilatait et se refroidissait les particules élémentaires sont apparues à partir du vide quantique. Parmi elles, les fermions, des particules possédant une masse, et qui sont subdivisées en deux sous-familles : (1) les leptons et (2) les quarks.

Particules élémentaires et particules composées. Les particules élémentaires comportent plusieurs familles, dont les fermions, qui contiennent deux sous-familles : les leptons (neutrinos, électron, muon et tau) dont les charges respectives sont indiquées (-1 ou 0), et les quarks. Lorsque ces particules élémentaires se combinent entre elles grâce à des interactions physiques, elles forment des particules composites. Les baryons sont formés de 3 quarks. Parmi eux, on compte le neutron (composé d’un quark « up » et de deux quarks « down », udd) et le proton (uud).


 

Les leptons regroupent plusieurs types de neutrinos, qui sont des particules avec une masse très faible et aucune charge électrique (elle est donc neutre, d’où leur nom) et des particules possédant une charge électrique entière négative (en l’occurrence égale à –1), tels que les électrons, les particules « mu » (µ) et « tau » (t). Les quarks, eux, sont des particules possédant une masse, mais aussi des charges dites « non-entières » (en l’occurrence, +2/3 ou -1/3). Lorsque l’univers s’est refroidi suffisamment, ces particules élémentaires ont commencé à interagir entre elles, et à former des particules composites plus grosses, telles que les hadrons, qui sont des assemblages de quarks. Parmi ces nouvelles particules, les hadrons donc, on compte deux familles : (1) les mésons, dont on ne parlera pas ici, et (2) les baryons. Ces derniers sont des particules composites contenant toujours trois quarks assemblés en différentes combinaisons. Selon les combinaisons d’assemblage des 6 quarks possibles, on obtient tout un tas de particules dites « baryoniques » dont, par exemple, le neutron et le proton. Ce sont justement ces deux particules qui vont nous intéresser.

 

Le proton et le neutron : en route vers les atomes

Le proton et le neutron sont chacun constitués de 3 quarks ; ce sont donc des baryons. Le neutron est composé de deux quarks « down » et un quark « up » et ne possède pas de charge électrique. Le proton, lui, est composé de deux quarks « up » et un quark « down » et possède une charge électrique entière positive (ici +1). A mesure que l’univers se refroidissait, les protons et les neutrons se sont aussi mis à interagir (là encore, grâce à la force nucléaire forte, voir Encart 1), et à former des structures plus grosses, qu’on appelle des noyaux. Les noyaux sont donc des assemblages de protons et de neutrons, et, selon le nombre de protons et de neutrons, ils possèdent des tailles et de propriétés différentes.

 

Description du texte de l'encart: Dans la nature, il existe quatre forces fondamentales : la force gravitationnelle, la force électromagnétique (EM), la force nucléaire faible (NFA) et la force nucléaire forte (NFO). Ces forces permettent l’interaction entre deux objets ou deux systèmes physiques. L’interaction entre les quarks, au sein des baryons dépend de la force nucléaire forte. Elle résulte de l’échange permanent, entre les quarks, de particules véhiculant cette force, en l’occurrence les gluons (notés g). C’est également elle qui est responsable de la cohésion (l’interaction) entre les protons et les neutrons dans le noyau. Elle n’agit que sur des particules massives (avec une masse, donc). La force nucléaire faible intervient dans le noyau, et est impliquée dans les désintégrations radioactives. Elle est véhiculée par d’autres particules, les bosons Z0, W+ et W-. La force électromagnétique, quant à elle, est responsable de l’interaction entre les électrons et le noyau, et elle est véhiculée par les photons (notés g, gamma). Toutes ces interactions fondamentales sont décrites dans le cadre du modèle standard de la physique des particules. L’exemple de la figure présente l’interaction forte entre 3 quarks (deux «down», d et un «up», u) grâce à l’échange permanent de gluons (orange, notés g) entre eux. Cette interaction maintient les 3 quarks ensemble (elle les confine ensemble), ce qui donne naissance au neutron (udd). Le même principe gouverne la formation du proton (uud). L’interaction entre le noyau (chargé +) et l’électron (chargé -) dans un atome nécessite l’échange de photons (g, gamma) qui maintient ces deux particules fermement liées. Dans le jargon, on appelle ça des photons virtuels (mais leur existence est réelle).
 

Une complication de charges

Dans la vie de tous les jours, on dit que « les contraires s’attirent » et c’est une illustration parfaite du comportement des objets chargés. Dans la nature, les particules de charges opposées s’attirent, tandis que les objets dont les charges sont de même nature se repoussent. Deux objets chargés négativement se repoussent, et deux objets chargés positivement se repoussent également. C’est une propriété de l’interaction électromagnétique (Encart 1).

Interactions entre charges et architecture des noyaux. Les lois de l’électrostatique et de l’électromagnétisme imposent que des charges opposées s’attirent et que des charges identiques se repoussent. Dans les noyaux, les protons (chargés positivement) ne pourraient pas s’assembler entre eux, car ils se repousseraient, si les neutrons n’étaient pas présents. La présence des neutrons et l’interaction forte assurent la cohésion des protons et de neutrons et la stabilité des noyaux. Le noyau le plus simple est constitué d’un seul proton (et pas de neutron), tandis que les noyaux plus complexes contiennent des quantités croissantes de protons et de neutrons.

Le noyau le plus simple est composé d’un seul proton, chargé positivement, et cela ne pose guère de problèmes. Cependant, les noyaux plus complexes contiennent plus d’un proton, et dès que deux protons se retrouvent proches l’un de l’autre, ils devraient se repousser et les noyaux devraient se désintégrer. Or, on trouve des noyaux contenant 2, 3, 6, voire même des dizaines de protons, mais qui sont, de manière contre-intuitive, stables. En fait, ils contiennent aussi des neutrons (qui n’ont pas de charge), et ce sont eux qui assurent la cohésion (la stabilité) du noyau et qui empêchent que les protons ne se repoussent. Cette mise en commun de protons et de neutrons fait appel à la force nucléaire forte (Encart 1).

 

 Que sont les atomes ?

Plus l’univers se dilatait, et plus la température qui régnait diminuait, ce qui signifie que la densité d’énergie diminuait elle aussi. Ce faisant, l’interaction électromagnétique put se manifester. L’une de ses conséquences fut que les électrons (qui appartiennent à la famille des leptons, et qui sont chargés négativement) ont pu interagir avec les noyaux, qui contiennent des charges positives en raison de la présence de protons. L’assemblage d’un noyau et d’électrons est un atome.

Tous les atomes sont donc constitués de deux parties: un noyau autour duquel on trouve des électrons. Le noyau est composé de deux types de particules subatomiques : les neutrons et les protons. Ces deux types de particules sont communément appelés les nucléons (parce qu’ils se trouvent dans le noyau). Dans un atome, la cohésion (stabilité) du noyau est assurée par la présence des neutrons, qui empêchent les protons de se repousser entre eux à cause de leurs charges positives (qui se repoussent entre elles).

 

Anatomie des atomes. La figure présente la composition en protons et en neutrons de différents types d’atomes (ici l’hydrogène, l’hélium et le carbone), ainsi que le nombre d’électrons qui circulent autour de ces noyaux. Enfin, le symbole chimique de chacun de ces atomes est donné (H pour hydrogène, He pour hélium et C pour carbone).

Les atomes constituant la matière sont généralement neutres, autrement dit, ils n’ont pas de charge électrique globale. Comment expliquer cela, alors que, par exemple, les protons sont chargés positivement et les électrons négativement ? Pour qu’un atome soit neutre, il faut qu’il y ait autant d’électrons que de protons, de sorte que chaque électron (charge –1) compense la présence d’un proton (charge +1) ! Et voilà !

Selon le nombre de protons et de neutrons présents dans le noyau (et par extension, le nombre d’électrons qui se trouvent autour de ce noyau), on distingue plusieurs atomes différents. Ainsi :

·     l’atome le plus simple est constitué d’un proton et d’un électron. Son noyau ne contient pas de neutron. Il s’agit de l’hydrogène (symbole H).

·     l’atome suivant est plus complexe, et son noyau contient deux protons, deux neutrons et est entouré de deux électrons : il s’agit de l’hélium (symbole He).

Vient ensuite le lithium (symbole Li), avec 3 protons, 4 neutrons, et 3 électrons, et ainsi de suite…, comme par exemple le carbone (symbole C) avec 6 protons, 6 neutrons et 6 électrons. L’ensemble des atomes découverts dans la nature sont classés dans le tableau de classification périodique des éléments de Mendeleïev. Le terme « élément » se réfère aux atomes. On compte 118 éléments (atomes) dans ce tableau de classification.

 

Tableau de classification périodique des éléments de Mendeleïev. Ce tableau classe tous les atomes connus en fonction de leurs propriétés. Dans chaque ligne horizontale (appelée période), les atomes sont classés de gauche à droite  en fonction de leur masse, c’est-à-dire en fonction du nombre croissant de protons (Z) et de neutrons (n). Le nombre de protons (Z), qui est équivalent au nombre d’électrons, est appelé numéro atomique, et le nombre N (avec N = Z + n) le nombre de masse (tous les nucléons, c’est-à-dire protons et neutrons, qui déterminent la masse de l’atome). Le tableau comporte 7 lignes et chacune d’entre elle représente une couche électronique, ce qui signifie que les atomes de la ligne n°1 possèdent uniquement une couche d’électrons, ceux de la ligne n°2 deux couches d’électrons, etc. Les colonnes (verticales) de I à XVIII regroupent les atomes dont les propriétés chimiques sont similaires. En fait, les électrons les plus externes de ces atomes possèdent des configurations similaires (ce qui détermine la similarité de leurs propriétés chimiques). Ainsi, lorsqu’on sait le manipuler, ce tableau permet d’avoir une idée de la structure électronique des atomes, et des propriétés qu’ils ont.


En observant ces premiers atomes, on remarque tout de suite que plus le noyau contient de protons et de neutrons, plus le nombre d’électrons devient important (pour compenser les charges des protons) et plus l’atome lui-même devient « gros ». Ainsi, un atome de carbone (C) est plus « gros » qu’un atome d’hélium (He) qui est lui-même plus « gros » qu’un atome d’hydrogène (H). De même, la masse d’un atome de carbone est plus importante que celle d’un atome d’hélium et qu’un atome d’hydrogène.

Comme le neutron et le proton possèdent tous les deux une masse significative (1,67493x10-27 et 1,672622x10-27 kg respectivement), de même que l’électron (9,109x10-31 kg), alors l’assemblage de ces éléments, toujours plus nombreux, augmente la masse globale d’un atome.

Dans le tableau de classification périodique des éléments de Mendeleïev, on classe les atomes par numéro atomique croissant, c’est-à-dire par nombre de nucléons (protons + neutrons) croissant et, par extension, par nombre d’électrons croissant. Autrement dit, plus on avance (de gauche à droite et de haut en bas) dans le tableau, et plus les atomes deviennent « lourds ».

 Conclusion

Voilà, on a vu pas mal de choses sur les particules élémentaires et sur les atomes, et dans l’épisode suivant, on explorera la façon dont tout ce fourbi (protons, neutrons, électrons) sont « rangés » à l’intérieur d’un atome, comment ces atomes sont organisés et comment cela influence leurs propriétés et donc, à plus grande échelle, la manière dont ils se comportent, la manière dont les réactions chimiques (et biochimiques) se produisent dans tout l’univers.

 

 

REFERENCES

[1] Taylor, C. W, « IX. Démocrite », dans: Lire les présocratiques. sous la direction de BRISSON Luc, MACé Arnaud, THERME Anne-Laure. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2012, p. 195-216. Lien: https://www.cairn.info/lire-les-presocratiques--9782130576648-page-195.htm.

[2] Furley, D. (2021) « Démocrite », dans : Jacques Brunschwig éd., Le savoir grec. Paris, Flammarion, « Hors collection », 2021, p. 656-667. Lien : https://www.cairn.info/le-savoir-grec--9782080205230-page-656.htm.

[3] Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, IX, 36 ; le passage est le suivant : «[Démétrios] ajoute qu’il était si travailleur qu’il se fit une petite cellule dans le jardin entourant sa maison pour s’y enfermer. ».

Lien : http://ugo.bratelli.free.fr/Laerce/IsolesSceptiques/Democrite.htm

[4] Elien, Histoire variée, Op. cit.

[5] THERME Anne-Laure, « VII. Empédocle », dans: Lire les présocratiques. sous la direction de BRISSON Luc, MACE Arnaud, THERME Anne-Laure. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2012, p. 167-182. DOI : 10.3917/puf.briss.2012.01.0167.

[6] Lecomte, J. & Marganne, M. H., La théorie des quatre éléments, Bulletins de l’Académie Royale de Belgique, 1992, pp. 14-21 (citation aux pages 15-16), https://www.persee.fr/doc/barb_0001-4141_1992_num_3_1_27329

[7] Diogène de Laerte, Vie et Doctrine des Philosophes de l’Antiquité, Livre VIII, Chapitre II, Empédocle, https://remacle.org/bloodwolf/philosophes/laerce/8empedocle1.htm

[8] Aristote, De la génération et de la corruption, livre II, chap. 3, § 1 à 6. Lien : https://fr.wikisource.org/wiki/De_la_G%C3%A9n%C3%A9ration_et_de_la_Corruption/Livre_II/Chapitre_III

[9] Lecomte, J. & Marganne, M. H., op. cit., p. 15.

[10] Un courant philosophique qui rappelle celui qui, plus tard, a influencé la science, qui chercha elle aussi à expliquer la Nature en ne recourant qu’à des explications ancrées dans la Nature comprise, comme par exemple chez Descartes, en tant que « monde matériel » : « Sachez donc, premièrement, que par la Nature je n'entends point ici quelque Déesse, ou quelque autre sorte de puissance imaginaire, mais que je me sers de ce mot pour signifier la Matière même en tant que je la considère avec toutes les qualités que je lui ai attribuées comprises toutes ensemble, et sous cette condition que Dieu continue de la conserver en la même façon qu'il l'a créée. » (Descartes, Le Monde ou Traité de la lumière, T. XI, ch. VII, 1664)

[11] Aristote, De la génération et de la corruption, livre II, chap. 3, 330-331a

[12] Aristote, Op. cit, livre II, chap. 3. Le texte est le suivant : « Comme il y a quatre éléments, et que les combinaisons possibles, pour quatre termes, sont au nombre de six ; mais, comme aussi les contraires ne peuvent pas être accouplés entre eux, le froid et le chaud, le sec et l'humide ne pouvant jamais se confondre en une même chose, il est évident qu'il ne restera que quatre combinaisons des éléments : d'une part chaud et sec, chaud et humide ; et d'autre part, froid et sec, froid et humide. Ceci est une conséquence toute naturelle de l'existence des corps qui paraissent simples, le feu, l'air, l'eau et la terre. Ainsi, le feu est chaud et sec ; l'air est chaud et humide, puisque l'air est une sorte de vapeur ; l'eau est froide et liquide ; enfin, la terre est froide et sèche. Il en résulte que la répartition de ces différences entre les corps premiers se comprend très bien, et que le nombre des uns et des autres est en rapport parfait »

[13] Aristote, De la génération et de la corruption, livre II, chap. 4 et chap. 7.

[14] Aristote, Du ciel, Livre I, Chap. 2. Texte : « Il est de toute nécessité qu'il existe un corps simple dont la nature soit de se mouvoir selon la translation circulaire, conformément à sa propre nature… En dehors des corps qui nous entourent ici-bas, il existe un autre corps, séparé d'eux, et possédant une nature d'autant plus noble qu'il est plus éloigné de ceux de notre monde. »

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